L’Eglise catholique, institutionnelle, est-elle disqualifiée par l’hémorragie qui l’affaiblit ? Est-elle devenue inutile du fait qu’il y aurait des chrétiens hors Eglise dans l’engagement et dans l’anonymat ? La réponse ne nous appartient pas. Mais l’Eglise doit prendre conscience que sa responsabilité s’exerce dans un christianisme ou para-christianisme dont elle n’est plus le tout, le gérant. Comme tout institution, l’Eglise a à assumer une dimension symbolique en désignant les références fondatrices qui portent son devenir, et une dimension fonctionnelle qui doit favoriser la diffusion de la parole et offrir la possibilité de relations fortes et inscrites dans la durée. L’Eglise doit développer un réseau capillaire capable d’irriguer de sève évangélique tout le corps social et la mise en circulation de l’Evangile dans les grandes artères de la société 55 . Mais elle doit aussi faire office de conservatoire du christianisme, conserver, c’est à dire, préserver un héritage, le faire fructifier et le transmettre à ceux qui le veulent. C’est aussi proposer une origine et des ancrages, offrir aux individus comme aux communautés la possibilité de se construire une existence dans l’histoire.
D’un point de vue sociologique, il n’y pas d’identité individuelle ou collective qui puisse s’établir sans se référer à une filiation. L’institution, c’est une dérive que les entretiens ont confirmé, cherche à inscrire une expérience initiale dans la durée et dans une réalité collective, à la socialiser dans une « routine » qui marque le quotidien de chacun. Mais un conservatoire reste un lieu, où, si les expériences et les savoirs sont recueillis, réinterprétés et confrontés, c’est en vue de créations nouvelles. Dans cette perspective, l’Eglise institutionnelle ne devrait-elle pas être le dépositaire non possessif du patrimoine religieux, à commencer par la prédication ? Il semblerait que dans les recompositions paroissiales, l’Eglise est prit au sérieux et exceptée l’existence de chrétiens qui n’en sont ou plus membres.
La dissémination croissante du christianisme a conduit l’Eglise dans la plupart des cas, à réfléchir à sa politique de médiations. Ce sont des médiations politiques en ce sens qu’elles ont pour mission de socialiser des relations significatives dans une perspective dont l’Eglise en tant qu’institution ne saurait être l’aboutissement obligé mais le relais.
ROUTHIER G p 5