Marginalisée, disqualifiée et discrédité durant près de trente ans, la paroisse apparaît néanmoins, aujourd’hui, comme l’outil majeur dans le processus de réorganisation de l’Eglise catholique. Ce phénomène est la traduction d’une double réalité, de deux registres interprétatifs. La première privilégie la prégnance de l’institution religieuse et met l’accent sur la double évolution que connaît l’Eglise : un nécessaire redéploiement des ressources humaines en forte diminution, qu’il s’agisse des « professionnels » - les clercs- et des fidèles. La crise des mouvements militants qui se traduit – paradoxalement pourrait-on dire au vue de la situation actuelle- par un processus de renforcement des instances pastorales territoriales.La seconde, qui se recoupe largement avec cette double évolution que nous venons d’énoncer, prend en compte les nouvelles politiques publiques dans un contexte – souhaité ou non- de perte de centralité de l’Etat et de la reterritorialisation de ses modes d’action au sein de la société française.
Comme cela a été explicité, les relations entre ces deux analyses conduisent à situer l’étude de la recomposition du dispositif institutionnel de l’Eglise dans le cadre, plus large, de l’évolution du système d’organisation sociale et des modes de gestion des rapports sociaux. En d’autres termes, ce « retour en grâce » de la paroisse s’explique conjointement par l’ampleur et la nature des transformations qui s’imposent à l’institution et au système politico administratif. La recomposition territoriale de l’Eglise qui s’est engagée au milieu des années quatre vingt, se développe dans un contexte local, national et international marqué par un changement majeur de l’organisation spatiale de la puissance politique. Les recompositions paroissiales trouvent ici leur troisième volet après le changement comportemental, lié aux pratiques diverses des fidèles; fonctionnel, dans la nature des services rendus ; organisationnel, dans les structures même de l’institution.
La relative concomitance du processus de décentralisation et de régionalisation – à l’échelle énationale ou Européenne – semble répondre à des logiques sociales dans lesquelles tendent à s’inscrire les stratégies des pouvoirs publics : situer leur activité gestionnaire et réformatrice aux niveaux de l’infranational et du supranational. Dès lors, ce fait établi, pourrait-il en être différemment pour toute autre institution sociale ? Pourrait-il en être différemment pour toute institution religieuse, dont l’institution catholique ?
Sans doute, sommes nous ici en présence d’un fait rare. « Un domaine d’activités » dont l’organisation interne s’est édifiée sur la base d’un processus historique singulier, qui répond en outre à des objectifs spécifiques dictés en grande partie par les conditions de la gestion d’un corps de croyances fondées sur une révélation et une élaboration dogmatique progressive. L’hypothèse est donc celle d’une analogie structurale des rapports de forces et des tendances organisationnelles à l’œuvre dans chacun de ces deux champs institutionnels, analogie qui rendrait ainsi compte d’une similarité relative des enjeux organisationnels centraux. Internationalisation, mondialisation et re-territorialisation constituants les deux faces complémentaires et corrélatives d’un seule et même mouvement, qui paraît imposer aux dirigeants de développer des stratégies au niveau mondial et de répondre, à l’adresse des populations locales, aux exigences de participation et de mobilisation.
La paroisse retrouve officiellement, depuis une vingtaine d’années, une certaine importance au sein de l’institution catholique 56 . Dans ce processus, deux dimensions émergent : d’une part, le contexte institutionnel des modalités de re-territorialisation du système d’action religieux ; d’autre part, les réformes engendrées par la transformation de l’organisation interne de l’Eglise.
Documents épiscopat (mai 1993) & La documentation catholique (septembre 1995)