II . Enjeux territoriaux de l’évolution des modèles pastoraux

A. La crise des mouvements catholiques ou le retour de la paroisse

La paroisse, considérée comme la matrice institutionnelle de l’Eglise ainsi que le cadre par excellence de la socialisation religieuse, a longtemp s représenté, comme cela a été développé dans cette thèse, la cellule de base de l’organisation diocésaine. Cette même paroisse devait non seulement assumer une fonction de rayonnement chrétien mais exercer aussi un rôle d’intégration et de régulation des rapports sociaux, car productrice de consensus et de soutien de l’édifice social. Dans ce contexte, le curé avait par conséquent, la charge de centraliser et de coordonner en un foyer unique les différentes ressources apostoliques, y compris les mouvements d’action catholique.

Le développement et l’emprise progressive de ces mouvements, ont conduit à la substitution partielle du mode d’organisation territorial par un mode d’organisation sectoriel. Le caractère stratégique de la position alors occupée par les militants organisés tenait à la nature même et à l’importance accordée aux zones d’incertitudes et aux marges qu’ils étaient les seuls à pouvoir contrôler en matière d’animation religieuse (jeunes, périphéries urbaines, entreprises). L’information dont disposait sur ces secteurs sociaux et spatiaux l’épiscopat transitait par ces militants, tirant de par cette position, cette médiation, légitimité et force.

La situation au début des années quatre vingt, fut celle d’une remise en cause du modèle d’action religieuse que représente le militantisme organisé. Le rapport présenté par le père Gérard DEFOIS, secrétaire général de l’épiscopat français à l’Assemblée plénière des évêques français de 1981, par son analyse de la crise de l’Eglise et les orientations nouvelles avancées pour y faire face, fait figure de véritable manifeste 60 . Il préconise un nouveau mode de fonctionnement, aujourd’hui appliqué. L’actuel archevêque de Reims s’attache à une critique en règle des mouvements d’action catholique au travers des formes militantes d’appartenance et d’engagement religieux qu’ils promeuvent : « la militance est une figure séculière de l’action pour le changement social […] Marquée par le marxisme-léninisme, cette image d’intervention dans le champ social sous-entend que l’on fait de cette analyse la vérité déterminante, que l’on opère une rupture avec les autres systèmes d’action sociale et que l’on prétend agir au nom d’une masse non conscientisée selon les critères de cette approche scientifique de l’histoire […] L’opposition militants\ pratiquants a joué comme un conflit d’interprétation et donc de pouvoir dans l’Eglise de France. Sans négliger l’apport prophétique de militants qui ont porté le fer de lance d’une responsabilité éthique de l’Eglise en notre société, il nous revient de remarquer les ambiguïtés quant au témoignage et à la communion dans l’importation en terre chrétienne de ce modèle d’action ». En contrepoint et comme proposition d’action, il soulignera quelques lignes plus loin que les institutions ecclésiales éducatives, charitables ou paroissiales doivent traduire dans la vie quotidienne ce qu’il en est de la solidarité au nom de la foi.

Notes
60.

1981, Assemblée plénière de l’Episcopat, l’Eglise que Dieu envoie, Paris, Le Centurion.