Les notions de « regroupement » et de « réorganisation » des paroisses auxquelles recourt l’analyse que présente en 1993 la conférence Episcopale, permettent de réaliser un ultime rapprochement avec l’une des modalités majeures des politiques territoriales à visée réformatrice au sein du système politico administratif : l’intercommunalité. Elle prit successivement la forme de syndicats intercommunaux à vocation multiples (1959) et de communautés de communes, instituées par la Loi du 6 Février 1992 (dite loi Relative à l’Administration territoriale de la République). On retrouve encore cette ressemblance dans les propos de Mgr Rozier, évêque de Poitiers dont « l’unité pastorale réelle », servant « de point d’appui à tout le dispositif paroissial 64 », correspond à une communauté de communes.
Commandées par une même nécessité de gérer rationnellement des ressources humaines et financières devenues plus rares, les préconisations des réformateurs de chacune des deux sphères d’action, politico administrative et religieuse présentent des similarités, comme en présentent d’ailleurs également les résistances communale/paroissiale qui s’accommodent mal de regroupements territoriaux réduisant les identités locales. Là encore, une exemple illustre cette conclusion : le document préparatoire à l’Assemblée du clergé organisé en 1989 par l’évêque de Moulins pour étudier le « regroupement des paroisses » comprend un texte de l’un des vice-présidents du Conseil général de l’Allier consacré à l’intercommunalité. Et le national rejoint le local lorsqu’en Octobre 1997, à l’initiative de la Commission sociale des Evêques de France, un colloque est organisé au Sénat sur le thème « Territoires et citoyenneté : questions pour notre Eglise ». L’objectif était double : aider à une prise de conscience des enjeux de l’aménagement du territoire, dans ses dimensions économiques et sociales, et d’interroger sur la pertinence, dans ce contexte, des regroupements paroissiaux.
La recherche d’un compromis impose aux commissions diocésaines d’aménagement pastoral de tenir compte de deux contraintes antagoniques :
Sur ce dernier développement, une fois encore, l’analyse rejoint les propos institutionnels, ici ceux tenus par le secrétaire de la Commission doctrinale des évêques : « … de fait, depuis quelques années, nombre de diocèses s’emploient à un réaménagement des paroisses anciennes en unités pastorales plus vastes et plus consistantes qu’on appelle « paroisses nouvelles » […] Aussi vivante soit-elle, la paroisse ne peut répondre à tout, la vie lui échappe en partie. Il lui faut donc s’intégrer dans une totalité plus grande, dans la dynamique globale du diocèse où il y a la place pour les services qui répondent à des besoins qui dépassent le cadre de la paroisse, comme la scolarité ou la santé, les mouvements apostoliques et les associations de fidèles 65 ».
Enfin, lorsque le pape Jean Paul II reçoit en 1997, les évêques du Sud Ouest de la France, faisant d’ailleurs de l’institution paroissiale, destinée à assurer les grandes fonctions de l’Eglise, le thème central de son discours, souligne lui-même ce double impératif : « Il convient que la paroisse ne soit pas trop petite et aussi, dans la mesure du possible, qu’elle reste proche des fidèles pratiquants et de l’ensemble de leurs frères 66 ».
Nombre de diocèses ont fait leur ce double impératif dans la manière dont ils ont conduit les opérations de restructuration territoriale. Yvon BODIN, plus en avant dans son propos, note « que l’une des difficultés essentielles est le passage de petites communautés juxtaposées à une communauté plus large regroupant plusieurs anciennes paroisses, tout en respectant la spécificité de chacune. […] La question sera de concilier le regroupement pour que cela soit viable et la proximité pour que personne ne se sente exclu ». Le thème de la proximité, traduite ici et là par des « relais paroissiaux » est également traité avec prédilection par le Cardinal Eyt dans la lettre pastorale par laquelle il introduit les statuts synodaux, publiés en mai 1996 : « par les relais pastoraux ( paroissiaux), par les formes de représentation que vous choisirez pour les membres des conseils pastoraux de secteur, par les actions que vous déciderez dans les villages, les quartiers, les groupes, par la façon dont nous nous mettrons à l’écoute de tous, et d’abord des petits et des pauvres, la proximité prendra corps 67 ». On retrouve aussi cette interrogation sur la proximité dans de nombreux ouvrages et notamment celui de Pascal THOMAS, publié en 1996 : « Que devient la paroisse ? Mort annoncée ou nouveau visage ? ».
La prise en compte de cette double préoccupation n’est évidement pas spécifique au domaine religieux. On peut en observer la traduction dans telle ou telle mise en œuvre de la coopération intercommunale par les élus locaux. Dans une communauté de communes, l’une des conditions clefs du processus d’institutionnalisation de la coopération est celui de l’intérêt des composantes communales à s’engager dans une action qui fonctionne à la manière d’un jeu coopératif positif avec une répartition égalitaire des gains en opérant par essaimage et par irrigation de l’ensemble du territoire intercommunal. Une intercommunalité idéale.
Comme l’articulation entre relais paroissiaux et conseils de secteurs en matière d’aménagement pastoral, cela donne à voir une forme négociée de relations entre centre et périphérie où la centralité n’est pas synonyme de captation unilatérale des ressources issues de l’intercommunalité.
P.1103, « Synthèse des carrefours sur la paroisse lors de l’Assemblée plénière des évêques de France de novembre 1990 », La documentation catholique, n° 2018
BODIN Y,1995, p. 62 in La Documentation catholique, numéro de Septembre, consacré à la paroisse.
La Croix, 28 janvier 1997.
p.9 in, « Diocèse de Bordeaux et de Bazas » 1996, Statuts synodaux, Bordeaux.