III.La paroisse nouvelle : réflexions et orientations

Depuis les premières lignes de cette étude, une insistance forte est portée à l’idée de paroisse. Tout au long de ce cheminement, un glissement s’est produit. Si les questions sur les dimensions temporelles ou spatiales de la paroisse demeurent, l’interrogation actuelle et encore prégnante est celle de l’opportunité de cadrer la paroisse dans sa caractéristique territoriale uniquement. C’est ainsi que de nombreuses réflexions d’acteurs locaux de l’Eglise catholique peuvent être reformulés ainsi : une délimitation dans l’espace de la paroisse a-t-elle encore un sens ?

L’étymologie semble venir au secours des réaménagements paroissiaux actuels. D’un côté, « paroika » renvoie à l’idée de regroupement et de l’autre, « paroikos » renvoie lui au passage, à l’étranger. La paroisse regroupe donc l’ensemble des personnes habitant en un lieu précis mais ces mêmes personnes ne sont que de passage. Envisager, imaginer, recomposer la paroisse, « c’est penser la proximité, le voisinage, une vie concrète en un lieu» et en même temps, « être dans un certain détachement vis-à-vis du lieu qui fonde la trajectoire et qui le transcende » comme le soulignait le père MOREAU, en charge de la paroisse Saint Etienne. Appartenir à une paroisse, être membre de cette communion de communautés, signifie être prêt à faire des passages, à être relié à d’autres, à s’inscrire dans un réseau de relations plus vaste que des relations de proximité. Mais est-ce ainsi que la paroisse fonctionne et se représente ? Quoi qu’il en soit, il est certain qu’existe un décalage entre cette conception étymologique et éminemment idéale et des réalités qui se sont construites par une succession de couches historiques. Cette interprétation tirée des analyses de terrains permet de nuancer le postulat de départ qui rendait irrémédiable la disparition des relations fondées uniquement sur la proximité comme modèle de la paroisse. Il serait plus juste de parler d’un nouveau rapport de force, favorable aux relations interpersonnelles structurées en réseaux.

Un autre signe fort est celui du recentrage des paroisses nouvelles autour de la personne de l’évêque. Ce choix permet de faire le lien entre le temps long, l’histoire et la situation actuelle. Il sera intéressant de voir en quoi cela modifie le fonctionnement et les représentations de ce dernier dans les faits. Aux premiers temps de la chrétienté, l’Eglise était une communauté rassemblée autour d’une seule table eucharistique sous la présidence unique de l’évêque. Ce n’est que lorsque le nombre de chrétiens augmenta fortement que la paroisse devint ce que l’on a l’habitude de concevoir. Les lieux de célébrations se multiplièrent, devenant autant de « paroisses ». La paroisse nouvelle n’a de sens que par rapport à l’évêque. C’est à son initiative qu’est assuré le rassemblement des fidèles en différents lieux de son diocèse. Il donne pour mission à la paroisse – lieux, personnes- d’assurer ce qui est nécessaire à la vie des croyants en un territoire donné.

Les acteurs institutionnels stéphanois sont conscients qu’il n’y a pas un visage unique de la paroisse. Elle apparaît comme l’ensemble des personnes qui la fréquentent, une histoire marquée par des évènements. C’est aussi la trace que laissent des prêtres qui s’y succèdent, les équipes ou les personnalités – individualités charismatiques- qui y ont pris des responsabilités. Enfin, chaque paroisse dépend de la sociologie du quartier, des quartiers, des villages qui la compose comme des grandes tendances de fond de l’Eglise.

Dans le cadre de la paroisse nouvelle, l’Eglise diocésaine assure une sorte de « service minimum de la foi ». Cette appellation suggère la prescription de tout ce qui nécessaire à la vie chrétienne : les sacrements et la liturgie. Ce service se différencie des initiatives plus « privées », voire dissidentes de la part d’individus ou de groupes constitués, comme le Renouveau Charismatique. Ce service est légitimé par un critère universel – à l’échelle locale bien entendu- et donc territorial. La nouveauté tient dans la volonté clairement affichée d’inclure ces services privés – échappant jusqu’ici à l’Eglise ou en concurrence avec elle- en quelque sorte dans une vaste pastorale mais en le séparant clairement afin d’éviter d’engendrer une quelconque sélection. Il semblerait que pour des raisons pratiques – masse critique- et réalistes – diversité des comportements- ,la paroisse nouvelle n’a d’existence que si son fonctionnement est pensé en relation avec d’autres services plus spécifiques – aumôneries…- et ceux relevants d’initiatives plus ou moins individuelles.

Si l’accent est mis sur le territoire comme lieu espace et temps de la pastorale, également est mise en avant la nécessité de développer une pastorale en réseau qui relie des instances différentes mais désireuses de collaborer en vue d’un bien commun. Il est question « d’émulation » - faire prendre conscience de la dimension universelle du catholicisme et de « croissance réciproque » - cette réflexion devant amené à chacun une plus value spirituelle et humaine.