A. Réflexion sociologique sur la religion

D’après Auguste Comte, la société a trois stades : Primitif et théologique : fondé sur un ordre divin où dieu se manifeste perpétuellement. Intermédiaire et métaphysique : l’ordre de la nature. Final, positif, scientifique : fondée sur des faits scientifiques. C’est à partir de ces trois stades que l’on peut éclairer le regard de la sociologie sur la religion 73  :

La religion est une stratégie sociale dont l’objectif est de créer un consensus, servir à donner une explication unitaire et rationnelle satisfaisante à cet organisme social. Elle exprime la recherche d’un point d’équilibre autour de valeurs partagées, de visions du monde communes. Elle peut être envisagée comme plus petit déterminateur commun. Toute société se fonde sur le principe de la solidarité. Elle s’impose grâce à des règles unitaires dont la principale est que la division du travail est la conscience de la place de chacun dans l’ordre de la société. Cette conscience collective devient une superstructure sociale qui détermine et oriente les simples consciences individuelles. L’appartenance à une communauté, à un groupe socioreligieux, renforce le sens de l’intégration avec le reste de la société. La religion devient un facteur d’intégration sociale. Elle permet de maintenir en vie une conscience collective. Telle est l’approche de DURKHEIM.

Le meilleur exemple pour illustrer ce propos est celui du sacré : il est à la base quelque chose de profane qui change de nature. Ce sont les hommes qui font le sacré. Trouver quelque chose extraordinaire pour justifier un nouveau mode de vie. L’ordre social se crée au moment où les hommes isolent ce qui est sacré dans la société comme des règles ou des valeurs collectives. La religion est la forme organisée et institutionnalisée du sacré. C’est un mode de production de normes collectives et de conscience sociale qui assume une fonction d’intégration. La religion administre le sacré qui légitime l’ordre social lui-même. Elle est la règle.

Pour PARSONS, la place de la religion n’est pas centrale. Elle permet de comprendre pourquoi et de quelles manières les individus intériorisent des valeurs, des normes, règles, morales qui garantissent à la fin la satisfaction des besoins fondamentaux de fonctionnement du système social dans son ensemble. Elle est une fonction décisive car elle fournie au système une source de légitimation ultime. La religion garantie une intégration sociale car elle constitue un puissant élément de standardisation des actions humaines : c’est un code social.Elle ne peut pas mourir car elle est structurellement fonctionnelle pour satisfaire les besoins d’équilibre du corps social.

Autre approche que celle de LUHMANN : la société se fonde sur l’intégration systémique et non plus l’intégration sociale. Les sociétés sont des systèmes complexes et la religion est un sous système parmi d’autres, doté de son propre principe de fonctionnement. C’est un médium de la communication. La religion produit un système de signes qui donne à la société des valeurs et au monde son unité et son sens. Elle régule la subjectivité et devient un facteur de stabilisation sociale du moment où elle réussit à fournir à la société entière ou à une partie de profonds mécanismes de réduction de la contingence psychologique, sociale et politique.

Enfin, la position de WEBER où la religion est perçue comme un facteur de conflit. La société est composée d’individus qui attribuent des significations à leurs actions. C’est une affinité élective entre deux idéaux. Pour être sûr d’être sauvé, l’homme doit faire le bien, être dans « les petits papiers de Dieu » dont on ignore le dessein. Le travail devient, dans le calvinisme et le capitalisme, cet engagement envers Dieu. La vie religieuse est un ordre, une nouvelle forme de la société. La religion est une enveloppe idéologique qu’utilisent les classes dominantes pour se représenter à elles-mêmes leurs positions, leurs pouvoirs, leurs statuts. Elle occulte les rapports de forces réels dans la société mais aussi le reflet des contradictions sociales. C’est un échange de symboles avec la société, une façon de poser les conflits.

Notes
73.

Nous renvoyons les lecteurs désireux d’approfondir le sujet aux ouvrages suivants : COMTE A, 1909 « Catéchisme positiviste ou Sommaire exposition de la religion universelle », Paris, ed Garnier, réédité en 1997.

DURKHEIM E, 1912, « Les Formes Elémentaires de le Vie Religieuse », Paris, réédition P.U.F. 1968. PARSONS T, 1954 « The Sociology of Religion » in « Essays in Sociological Theory », Glencoe, The Free Press. LUHMANN N « Die Religion der Gesellschaft » 2000 Frankfurt: Suhrkamp & « Funktion der Religion » 1977,WEBER, M, (Édition anglaise, Boston, Beacon Press, 1962). « Économie et société », tome premier, 2e partie, chap.5, "Sociologie de la religion", Paris, Plon, 1971.