C. Religiosité, religion et société, sécularisation et laïcisation : quelques définitions de cadrage

Religiosité : croyance, pratiques, connaissances, expériences et appartenances. Mais aussi la manifestation des formes concrètes, observables à travers lesquelles les acteurs expriment les dimensions de la religion elle-même Tous sont indépendants, ce qui signifie qu’est religieux quelqu’un qui a une pratique ou une croyance. Cette approche sociologique corrobore l’idée que nous défendons à savoir que l’Eglise doit s’adapter à une religiosité différente, dont la pratique et l’appartenance ne sont plus les uniques critères de définitions.

Ces quelques éclaircissements sémantiques permettent de cerner les dimensions sociales de la religion et donc la nécessité de lier stratégies de fonctionnement et production de territoires vécus socialement pour mieux comprendre les réalités territoriales.

Premières conclusions : la religion est un système de réponses à des besoins anthropologiques. La croyance répond à un besoin génétique et anthropologique d’exploration, de connaissance. La ritualité est un besoin de réitérer l’expérience religieuse originelle. L’appartenance est un renfort institutionnel à un système de croyances et à l’expérience religieuse. Les pratiques religieuses sont des facteurs explicatifs de l’identification des fidèles à l’Eglise à laquelle ils appartiennent Autre acception, d’ordre générale : La religion est une construction sociale. C’est un univers symbolique imposé à travers la socialisation. C’est un code imposer pour standardiser les comportements. C’est une manière de comprendre le sens des limites de la condition humaine et en conséquence, d’accepter le principe de la régularisation des désirs. Enfin, La religion a une fonction substantielle d’intégration sociale. Elle pose un centre de production de valeurs socialement partagées. Jusqu’alors, comme nous l’avons démontré, elle était le point de références idéologiques universel pour définir les cadres de conduite des autres sphères d’action humaine. La sécularisation fait perdre à la religion ses vertus collectives et individuelles.

C’est aussi part ces cadrages que nous légitimons notre démarche d’interroger les recompositions territoriales au travers des représentations et des modalités de religiosités de la population stéphanoise.

La paroisse a fait du territoire un point « déterminatif ». Alors que la vie sociale se développait dans d’autres dimensions territoriales, elle n’a pas évolué. La paroisse est restée un cadre défendant l’idée que c’est la résidence qui fournit l’appartenance à une communauté religieuse. Cette réalité dépasse les structures mêmes de l’Eglise et recentre le sujet sur la place de l’Eglise dans la société et les rapports qu’entretiennent les populations avec elle.

Confrontée à la laïcisation de la société (loi de 1905), à l’affaiblissement du lien religieux et à une profonde mutation du champs religieux, l’Eglise catholique ne semblait plus adaptée aux réalités sociales et religieuses. La fin de la civilisation paroissiale est donc à inscrire dans un phénomène social global caractérisé essentiellement par une individualisation des pratiques socio spatiales et une fonctionnalisation des espaces – pratiques de ville à la carte. La société est devenue nomade, chacun des individus la composant va et vient, est pris dans une mutation perpétuelle des rapports sociaux. Comme la religion n’en est qu’une composante, elle a subi les mêmes évolutions. A l’expérience d’un espace éclaté correspond celle d’un temps disloqué. L’Eglise catholique se trouva donc, à l’orée des années quatre vingt dix en situation de dissémination. Baisse de la pratique religieuse, mobilité et volatilité des pratiquants et appartenance à des réseaux affinitaires plus qu’à une fréquentation de proximité, tels en étaient les traits majeurs. D’expression collective, le religieux s’est individualisé, dont le but ultime est la réalisation de soi. Reléguée au rang de prestataire de services, l’Eglise est devenue « une station service du spirituel » où chacun vient, pour des motifs personnels acquérir des biens symboliques. Ces religiosités multiples traduisent une acculturation à la modernité par leur valorisation de la subjectivité et de l’émotion. Elles débordent l’Eglise et lui échappent. Les transformations de la société ont dispersé les membres de l’Eglise et en ont fragilisé les structures. Le déracinement et la mobilité ont ajouté la dispersion idéologique et spirituelle à la dispersion géographique.

C’est donc dans ce contexte global où la mobilité est devenue la condition principale d’adaptation et de participation à la vie sociale et dans une profonde mutation des comportements religieux qu’est inscrite cette thèse visant à rendre compte des stratégies développées par l’institution catholique pour répondre à l’inadéquation des structures territoriales et fonctionnelles héritées. Dès lors, une interrogation émerge : comment l’institution catholique locale a-t-elle pris en compte ces nouvelles mobilités ? Alors que ce contexte pouvait faire effectivement penser à la disparition du référent territorial pour la conception d’une structure d’Eglise adaptée, nous venons de voir qu’au contraire, le territoire restait une caractéristique forte, du moins au niveau conceptuel. Il va s’agir à présent de le démontrer au travers des recompositions conduites sur le diocèse de Saint Etienne