LES RECOMPOSITIONS PAROISSIALES DANS L’AGGLOMERATION STEPHANOISE

Alors que l’humanité semble « avoir besoin » de la substance même de la religion, l’Eglise a jusqu’ici insisté sur la forme. La situation qui vient d’être décrite montre bien plus qu’une « Eglise en état de dissémination ». Elle a mis en avant le décalage structurel et fonctionnel entre l’institution catholique et les pratiquants – quelque soit leur degré de pratique religieuse. Cette crise de « la civilisation paroissiale » illustre une Eglise devant relever un chantier immense, celui d’articuler une pastorale classique avec une pluralité de communautés, qui se révèlent être des propositions de « faire Eglise » qu’elle ne peut négliger. Cela se traduit par la nécessité de se doter notamment de stratégies territoriales capable de faire cohabiter la structure classique – la paroisse- à d’autres modalités spatiales. Ce constat s’inspirant des analyses conduites dans la première partie de cette thèse, ces conclusions comme autant d’outils d’analyses doivent, pour trouver un certain écho, être reformulées ou infirmées, confrontés aux réalités locales.

Face aux évolutions internes et externes à l’Eglise, les instances diocésaines décidèrent de recomposer le diocèse de Saint Etienne créé officiellement le 30 Mai 1971. Un long travail, étendu sur la période 1995-1999 allait transformer cette « portion du peuple de Dieu ». Au cœur de ce processus de recomposition se trouva néanmoins, étrangement revigorée, la paroisse. Le glissement sémantique inauguré par le droit canon de 1983, pointait l’importance de la dimension communautaire dans la définition de celle-ci. Comme si à son caractère déterminatif, succédait un caractère identitaire. La structure de base et concept de pastorale devenait « la paroisse nouvelle ». Alors, simple transformation structurelle où l’on remplaça un cadre par un autre ? Conceptualisation plus adaptée aux mobilités idéologiques, spirituelles et géographiques, aux dimensions organisationnelles et fonctionnelles? C’est à ces questions que devra répondre cette seconde partie.

Cet exercice équivaut à expliciter en quoi le chrétien ne veut plus être…chrétien comme avant, de montrer comment il est possible d’adapter le territoire aux réseaux relationnels modernes, par quels outils l’Eglise arrive à articuler les dimensions d’espaces et de temps que sont le « zapping paroissial » et le « bricolage du religieux ». Mais surtout, il s’agit de clarifier dans quels rapports sont les couples : paroisse-territoire et paroisse-réseau. D’apporter des éléments de démonstration à la thèse que nous défendons.

L’objectif de ce travail, conduit sur les territoires des « paroisses nouvelles » de l’agglomération stéphanoise, sera de pointer et de comprendre, dans la quête d’adaptation de l’Eglise à la géographie sociale, quelles stratégies ont été mises en œuvre pour assurer une certaine cohérence fonctionnelle et territoriale. Cette démonstration tentera de répondre à deux interrogations majeures : est-ce à travers le concept de paroisse nouvelle que l’Eglise a pris en compte toutes les mobilités (spirituelles, idéologiques et géographiques) ? Est-ce essentiellement à travers cette structure et cet outil que l’harmonie des géographies catholiques peut être réalisée ?

Dans un premier temps, il faudra insérer l’étude de la recomposition du dispositif institutionnel et territorial de l’Eglise dans le cadre de l’évolution des rapports entre l’Eglise et les sociétés locales, connaître « le terreau » dans lequel cette réorganisation s’inscrit. Puis, analyser le processus de recomposition mis en place par l’institution catholique afin de s’adapter à la nouvelle géographie sociale et religieuse. S’appuyant sur de nombreuses études de terrain, il sera nécessaire de cerner les traits majeurs de la modernité religieuse afin de dégager les formes majeures de sociabilité religieuse. Cette analyse doit permettre d’argumenter l’hypothèse qu’à la modernité religieuse correspond une typologie de figures comme le pratiquant régulier correspondait à la sociabilité religieuse de la « civilisation paroissiale ». Dès lors, il sera possible de montrer les modalités de territorialisation proposées par l’Eglise et celles vécues par les diverses communautés, de montrer que l’on est en présence de nouvelles temporalités et spatialisations du fait religieux caractérisées par la co-production.