B. Saint Etienne : ville de traditions chrétiennes

En 1953, le taux de pratique dominicale était de 24% ; par comparaison, celui de Grenoble n’était que de 14% 79 . En 1977, si l’enseignement catholique représentait 14% des enfants scolarisés au niveau national, il était de 24% à Saint Etienne. L’institution catholique a depuis longtemps tissé une toile très dense dans le milieu stéphanois par le biais et le relais de nombreuses associations comme l’AEP (association éducation populaire), l’APEEL (association des parents élèves de l’enseignement libre) ou encore le GASEL ( groupement des amicales stéphanoises de l’enseignement libre), fondé en 1922 dont le rôle d’animation est complété par des réseaux relationnels importants, conditionnant le placement dans les entreprises à la sortie de l’école. Saint Etienne demeure une ville de tradition chrétienne, essentiellement catholique.

Deux raisons expliquent cette histoire : le recrutement démographique de Saint Etienne, à base rurale – pour ne pas dire exclusivement-, s’est effectué dans les « montagnes de chrétienté » comme le Forez, la Haute Loire, le Vivarais ( à nuancer car se trouvent les villes les plus protestantes de France comme le Mazet, Tence ou la Chambon sur Lignon, plus communément appelés « La Montagne »), le Pilat ou le sud des Mont du Lyonnais. La domination du patronat sur la société locale qui a imposé un véritable modèle culturel et cultuel : saints protecteurs dans les usines et les mines, forte sensibilité aux recommandations du clergé et soutient financier important des écoles et des œuvres paroissiales.

Ainsi, chaque paroisse stéphanoise était dotée d’institutions ou de groupements visant à encadrer le chrétien durant toute sa vie. Les patronages, qui demeurent les exemples les plus illustres de cette situation, encadraient les jeunes 80 . C’est donc nourrit de ce terreau de traditions chrétiennes, de cette imagerie de village que la notion de quartier va émerger à Saint Etienne, renforcée par le renouveau de l’affrontement territorial entre le rouge et le noir.

Notes
79.

PERROT J, 1953 « Grenoble, essai de sociologie religieuse » cité par VANT A, 1981 p 232 in « Imagerie et urbanisation : recherches sur l’exemple stéphanois » CEF, Saint Etienne

80.

Le patronage est l’organisme le plus important de la conquête religieuse du peuple et l’arme maîtresse pour la formation des jeunes. Il permet d’atteindre indistinctement les enfants des foyers chrétiens et ceux qui, élevés dans des écoles laïques, sans lui, échapperaient généralement à l’action du prêtre. Il devient un correctif puissant aux idées subversives que renferme trop souvent l’enseignement des maîtres enrôlés dans les milices du socialisme et de l’anarchie. Analyse engagée de LHANDE P, 1927 dans son ouvrage : « Le christ dans la banlieue : Enquête dans les milieux ouvriers de la banlieue de Paris », Plon, 279 p