C. Une démonstration appuyée sur des interrogations majeures

L’hypothèse du passage d’une religion du temps ordinaire à une religion des temps forts, induit un changement des rythmes de la sociabilité catholique. C’est précisément à partir de leur mise en lumière que les nouvelles territorialisations de l’Eglise seront identifiables.

La diminution de la pratique religieuse, la mobilité, la volatilité, la multi appartenance ponctuelle modifient les territoires. Mais elles redéfinissent surtout le mode de la pratique. L’attachement communautaire n’est plus indissociable de l’observance comme c’était le cas auparavant. Le chrétien revendique de pouvoir choisir sa communauté et son degré d’attachement communautaire, dans le cadre qui lui convient. Il recherche ainsi les conditions les plus favorables à l’échange de son expérience individuelle avec celles des autres. Si les rapports aux temps et à l’espace ne sont plus les mêmes, les vécus différent, nécessitant de nouvelles structures. D’où la question : la paroisse nouvelle correspond-elle à la prise en compte de ces nouvelles données, permet-elle d’articuler les nouvelles dimensions de temps et d’espace ?

La recomposition que connaît l’Eglise indique une situation complexe. La fin des religions ne semble pas d’actualité. Elle est la traduction fonctionnelle et structurelle de l’apparition de nouvelles formes de religiosité mieux adaptées aux besoins spirituels du sujet moderne. Le bricolage religieux souvent dénoncé illustre la tendance à l’individualisation et à la subjectivisation des croyances. Ces dernières se disséminent, se conformant de moins en moins aux modalités établies par l’Eglise. Le constat d’une progression d’une sociabilité religieuse en réseau ne souffre d’aucune remise en cause possible.

Paradoxalement, alors que tout concourt à la polarisation et à la centralité, le désir d’enracinement, de créer par le lieu des liens d’appartenances intergénérationnels nécessite la présence d’une pastorale de voisinage. Il faut alors trouver les lieux, les structures correspondant aux sensibilités et aux rythmes de cette sociabilité religieuse tout en conservant une présence de proximité. Les grandes tendances de fond que nous venons de décrire, tirées des observations réalisées à Saint Etienne amènent à répondre à cette interrogation : de quelles manières conjuguer une pastorale ciblée, plus proche de l’organisation en réseaux avec une de « communauté de vie locale », de proximité ?

Ces deux grandes interrogations serviront de fils conducteurs à notre démonstration. L’hypothèse que la recomposition paroissiale conduite à Saint Etienne est un compromis s’en trouve renforcée et du même coup rend caduque celle du passage d’une organisation des services, dense et maillée à une autour d’équipements polarisés ou disséminés. Il faudra démontrer que la paroisse nouvelle conserve la charge symbolique de l’ancienne structure dans la mémoire collective par le maintien d’espaces de rencontres, de proximité tout en offrant des moyens et des outils adéquats pour accompagner des pratiques et des comportements diversifiés et dispersés dans des territoires plus vastes, organisés en réseau.

Cet exercice nécessite au préalable de savoir dans quel rapport s’inscrivent les populations par rapport à ce qui fondait jusqu’ici l’attachement religieux : la transmission. Si l’on ne naît protestant mais qu’on le devient, en revanche, de générations en générations, on naît et demeure catholique. Alors, au moment où nous avons longtemps évoqué une montée irrésistible de l’individualisme religieux, il est temps de voir comment il est possible d’inscrire son individualité dans la continuité d’une lignée croyante (éducation de la foi) et de quelles manières cela interroge la territorialisation du religieux.