II. Méthodes et pratiques catéchétiques stéphanoises

A. une catéchèse a plusieurs visages

La figure « classique »se situe dans la continuité de toute une tradition catéchétique qui insiste presque exclusivement sur l’objet de la foi. Dans cette perspective, la catéchèse vise la transmission de la foi. C’est cet objectif qu’a affiché la catéchèse : définir et acquérir les contenus de la foi. Malgré le fait que l’expérience de foi est tout d’abord un acte intime, une confiance, une adhésion, l’accent porte sur le contenu explicite, sur ce qui est cru. Ici, la catéchèse va travailler à la formulation, à la transmission et à l’assimilation des énoncés. De ce fait, elle interdit tout écart, toute création de langage car celui qui est fixé est celui qui fait foi. Cette figure a sa cohérence. La sécularisation l’a confortée et d’après notre analyse, nous pouvons tirer les conclusions, partielles, suivantes :

  • elle généralise l’ignorance de l’élémentaire chrétien. La catéchèse va être alors portée à se situer sur ce front de l’ignorance pour transmettre les bases de l’enseignement de la foi : diffuser des connaissances ou structurer une mémoire.
  • la sécularisation entraîne l’ébranlement des repères, le flottement des références et l’éparpillement du sens. En état de sécularisation, la demande grandit de marqueurs clairs de ce qu’est l’identité ecclésiale. Cette tendance s’affirme par la catéchèse.

Pédagogiquement parlant, le problème de ce modèle – et peut être une des raisons de l’affaiblissement de l’Eglise- se situe au niveau du destinataire : qu’il soit adulte ou enfant, il est perçu comme l’objet d’un enseignement et non le sujet d’une parole. Ses interrogations, ses objections, son point de vue même, ne participent pas vraiment de la dynamique catéchétique. Son avis pourra être pris en compte mais ne contribuera pas à l’élaboration d’un langage de la foi. Le lieu qui lui est assigné est celui de l’adhésion et de la ratification du discours transmis : assimiler et reproduire des enseignements. Et par là même, assimiler et reproduire les mêmes structures et les mêmes territoires. L’autre souci, est d’ordre théologique. La transmission et le poids qu’elle revêtue dans la tradition catholique a occulté la tâche de l’interprétation. La Parole se donne dans un formulaire, un texte, autrement dit, un ensemble de significations fixées dont la catéchèse médiatise la transmission.

Une méthode contradictoire est observable à la fois en substitution et en complémentarité avec la première. L’accent porte ici sur l’acte d’énonciation et non plus sur la transmission des énoncés. Il y a un présupposé théologique : le caractère interprétatif de toute formulation de la foi. Tout n’est qu’interprétations, une série de témoignages diversement interprétés. C’est ainsi que les écritures portent la trace d’un travail continu de reprise et de relecture des traditions reçues. La catéchèse va prendre place à son tour dans cette chaîne de relectures. La bible va faire écho dans la communauté, ouvrir un espace à l’échange, à l’interrogation ou encore à l’imagination. La catéchèse est cette somme de résonances. Elle va donc favoriser une démarche d’énonciation : permettre à chacun dans le groupe et au groupe lui-même d’interpréter à nouveau le récit à partir de ce lieu qu’est la communauté, l’Eglise.

Ensuite, il y a aussi un présupposé pédagogique : la catéchèse est le lieu de l’élaboration d’un langage de la foi. Pour réaliser cela, elle va s’appuyer sur les ressources et les capacités des acteurs. La catéchèse de l’enfance va solliciter la compétence de l’enfant, son pouvoir d’interrogation et d’étonnement, ses facultés d’expression et de communication, alors que celle des adultes va faire appel à l’expérience dont l’adulte est porteur ainsi qu’aux questions qu’elle soulève.

Un des outils d’une meilleure catéchèse possible est l’utilisation de l’image : « L’image permet à l’enfant d’avoir une perception immédiate, forte ; de pouvoir trouver un intérêt esthétique ; de se projeter dans la situation représentée ; de trouver un support attrayant, un moyen privilégié de susciter l’échange » témoignait une animatrice en catéchèse. Nous avons pu constaté lors d’une séance, qu’effectivement à défaut d’une maîtrise des mécanismes de lecture, les enfants étaient plus sensibles aux couleurs et aux dessins. Cette constatation du poids de l’image est valable pour les adolescents. Leur paysage mental est peuplé de nombreuses images sans cesse réactivées par les médias. Chaque équipe de catéchèse s’est dotée d’un outil remarquable : un jeu catéchétique. Semblable à un jeu de l’oie, il reproduit des peintures murales ( XVème siècle) de la chapelle Saint Sébastien de Lanslevillard en Savoie. Il possède ses propres pièges, ses cases bonus. Chaque bonne réponse permet d’acquérir un élément pour construire une église. Nous avons constaté que ce jeu fonctionne auprès des jeunes et développe au-delà de la curiosité, un esprit de compétition et d’équipe. Sans en être pleinement conscients, ils situent les passages évangéliques de manière ludique et s’éveillent à une sensibilité artistique différente dont la visée catéchétique demeure palpable.

L’élaboration d’un langage de foi va s’opérer au travers de ce parcours de la parole. Il y a effectivement un échange dans la communauté où chacun puisse dire et se dire, où sa parole soit articulée et reconnue à celle des autres. Dans ce modèle, la catéchèse vise l’autonomie de la personne humaine.

La catéchèse parfaite serait l’articulation entre trois éléments : l’expérience du sujet et du groupe, l’altérité des témoignages de la foi et le lien avec l’Eglise-communion. Ce modèle semble celui le plus adapté aux situations actuelles. Il respecte à la foi l’individualisation des comportements, la réalisation du projet individuel et la reconnaissance de l’identité propre dans un une communauté.

  • l’expérience du sujet est mise en lumière. Elle n’est uniquement le vécu, elle n’est pas de l’ordre de l’immédiateté naïve, elle implique tout un parcours d’analyse, une distanciation critique. Le souci est d’enraciner la catéchèse dans les lieux de vie, dans les expériences fondamentales de la vie et d’opérer une corrélation entre situation humaine et discours évangélique. Herméneutique des textes et herméneutique de l’expérience s’appellent et interagissent l’une sur l’autre.
  • la dimension ecclésiale, surtout sacramentelle. Le parcours du groupe, de la communauté est inséré dans la communion ecclésiale et dans sa manifestation sacramentelle. Ainsi, le langage de foi du groupe se vérifie et s’authentifie par référence aux repères et aux critères du lien ecclésial.

La catéchèse offre un espace de symbolisation (la foi comme critère d’authentification) où les questionnements issus de l’expérience puissent être ressaisis et travaillés. Le souci est d’affirmer la pertinence de l’Evangile dans la société et la culture, en attestant son pouvoir de reconfigurer l’expérience de chacun et la compréhension de soi-même. Quoi qu’il en soit, la transmission de la foi se doit de refléter la modernité comportementale. Mais une modernité ne va pas sans l’autre. La catéchèse et les animateurs se doivent d’être eux aussi dans leurs méthodes, « à la page ».