CHAPITRE 5. « Continuité croyante et individualité, modèles imposés et structures produites : la modernité religieuse comme révélateur de nouvelles modalités territoriales »

Si la plupart des institutions de socialisation affrontent difficilement les implications de cette mutation culturelle, l’ébranlement qui en découle est d’autant plus grand pour l’institution catholique dans la mesure où, comme cela a été esquissé, la transmission engage ce qui est au principe même de son existence, la continuité de la mémoire qui la fonde et la justifie. A l’instar des autres confessions, le catholicisme implique une mobilisation spécifique de la mémoire collective. Elle se lit à travers l’importance donnée à la paroisse, au clocher, à l’évêque qui sont autant de processus de territorialisation de cette mémoire collective que des outils opératoires. Le passé est une référence immuable. En rapport constant avec ce dernier, les croyants se constituent en un groupe religieux, suscitant et entretenant la croyance en la continuité de la lignée des croyants.

Ce travail de remémoration perpétuelle se réalise aussi à travers une réinterprétation permanente de la tradition en fonction des questions du présent. En ce sens, la sociologie du religieux n’est pas si éloignée de celle de la mémoire conduite par Maurice HALLBWACH. La transmission ne consiste pas uniquement à assurer un passage, celui du contenu des croyances, d’une génération à une autre tout en mettant les nouveaux venus en conformité avec les normes et les valeurs de la communauté. Comme elle se confond avec le processus d’élaboration d’une véritable chaîne de mémoire, la transmission est le mouvement même au travers duquel la religion se constitue comme religion : elle est la fondation continuée de l’institution religieuse.