B. La religion émotionnelle :

A l’instar du travail réalisé sur la religion des sentiments, il est possible d’éclairer la religion émotionnelle et ses dimensions.

Des énonciations illogiques

Dans leur argumentation, les sondés ne se soucient guère de la cohérence et de la plausibilité. Une mère interrogée, par exemple, se plaindra amèrement d’avoir été baptisée quand elle était petite. Celui lui a enlevé, dit-elle, toute possibilité de choix. Mais toujours dans le même entretien, plus tard, elle affirme qu’elle ne peut imaginer que son enfant ne soit pas baptisé : « On ne sait jamais, il pourrait lui arriver quelque chose ! » et encore « Le baptême au fond, c’est une protection ». Cette attitude illogique dévoile la présence d’une émotion et celle-ci évince la raison qui incite à dénigrer le baptême des enfants.

La demande émotionnelle n’est pas toujours causée par la crainte d’un malheur. Elle se nourrit aussi d’espoir en un monde meilleur, caressant le rêve d’une sécurité absolue. Quoi qu’il en soit, crainte et espoir s’enracinent mutuellement dans le désir de vivre dans un monde exempt de dangers et de souffrances, un monde où les incertitudes sont balayées, une sorte de paradis – sur terre- où la paix et le bonheur règnent en maître. Cet espoir et cette crainte sont d’origine émotionnelle, ils aimeraient garantir l’avenir. Parallèlement, tout un chacun se rend bien compte que cela n’est pas possible. Nous retrouvons ici le double mouvement fondamental des croyances des non pratiquants. Il est impossible de croire et d’espérer en une maîtrise absolue de l’avenir et du destin, et en même temps il est impossible de ne pas la souhaiter. Le croyant non pratiquant stéphanois va tenter de détourner l’impasse créée par le choc du réel et par son désir de maîtrise. Pour atteindre ce but, il va quitter le monde objectif et entrer dans le monde de l’émotion. Il entre dans une autre manière d’appréhender le monde, combinaison de la transformation de la réalité et du rapport de la conscience au monde.

On retrouve à travers ces réponses le sentiment d’une définition de l’Eglise comme « libre service du fabuleux » où chaque individu vient acquérir un bien symbolique. Cela sous entend la création de structures attractives et répondant à ces attentes. Le déterminisme est alors supplanté par la magie. Le côté magique de la religiosité des distancés trouve son origine de dominer le monde. Les témoignages de demande d’actes, de sacrements, de sacré donc, illustrent cette volonté de contrôle : « Oui ! Moi, le baptême de mon enfant, j’ y tiens ! C’est quand même l’entrée dans la vie… Si un enfant n’est pas baptisé, ça fait drôle ». Le non pratiquant c’est bien que la célébration d’un acte ecclésiastique ne peut lui offrir de garantie pour l’avenir, il sait qu’il échoue dans sas tentative mais il en parle comme si cela était de l’ordre du possible : « On n’est pas à l’abri de la maladie ou de l’accident, mais quand même, le baptême est une protection ».