A. Définition et place du rite :

Les actes pastoraux sont-ils des rites de passage ? Cette question fut posée à de maintes reprises à divers personnes d’Eglise tout au long de cette thèse et le consensus s’est imposé.

Les sacrements, des rites structurants

Les actes pastoraux sont considérés comme des rites de passages. Dans le catholicisme, ils sont au nombre de quatre : baptême, communion, mariage et funérailles. Pour définir cette acception, nous reprendrons la définition qu’en donnait un prêtre : « Toutes les séquences cérémonielles qui accompagnent le passage d’une situation à une autres et d’un monde à un autre ». Ce qui nous a paru encore plus intéressant, tient dans le glissement qui s’opère à propos des rites de passage et du regard qu’ont les prêtres des attentes contemporaines. Le rite du passage matériel est devenu un rite du passage spirituel. Ce n’est plus l’acte de passer qui fait le passage, c’est une puissance individualisée qui assure ce passage immatériellement. Transposer directement la notion de rites de passage aux cas observés soulève des problèmes de véracité méthodologique. Ils sont au nombre de quatre :

Tout d’abord, le nivellement. Le regard global sur l’ensemble des actes pastoraux compris comme des rites de passage, risque de laisser dans l’ombre le contenu et le sens particuliers – surtout si l’on interprète les observations d’un point de vue théologique- de nombreux témoignages.

La simplification en deuxième lieu. La question décisive est de préciser de quel passage il s’agit. Le rite marque publiquement la transition, le passage, d’un ancien statut vers un nouveau statut. A chaque statut est associé un nombre de droits et de devoirs, un ensemble de conduite qu’attend l’Eglise de la part de la personne qui possède ce statut. Il est évident que les droits et les attentes lors d’un baptême, d’une confirmation ou d’un mariage son différents. Est-ce à dire que le baptême et la confirmation, en n’induisant pas un rôle de la part du demandeur –sauf si il est adulte- ne peuvent être assimilés à des rites de passage ? La réponse n’est pas évidente car le statut change lui. Pour ce qui est du mariage, nous l’avons constaté à de maintes reprises, la cérémonie cautionne un changement qui a déjà eut lieu auparavant, la célébration ratifie un statut préexistant. En effet, la quasi-totalité des couples vivent ensemble avant leur passage devant le prêtre. Reste le deuil, qui marque encore un passage explicite. Les demandes « rituelles » ne seraient alors pas des rites de passages, mais en conserveraient une part non négligeable dans la mesure où les demandeurs les investissent d’une dimension qui a défaut d’être sacrée est mystique.

L’affaissement communautaire et social. Comme nous l’avons signalé brièvement, les demandes de rites et leurs réalisations n’engagent plus la communauté dans son ensemble. Le caractère public du rite est aujourd’hui grandement remis en question. Un mariage, un baptême, ou un enterrement ont de plus en plus un caractère privé.

Enfin, le primat de la dimension sociale. Si le concept de rites de passage rend compte de façon adéquate de la dimension religieuse, il passe sous silence la dimension sociale des rites. Il masque le fait que l’Eglise n’a pas ou plutôt n’a plus le monopole des rites de passages. Les rites dits « profanes » sont légion : pot de retraite, « bizutage, » enterrement de vie de célibataire, etc, etc, etc. De plus, de nombreuses situations qui sont également des tournants de la vie contemporaines et ne font pas l’objet de célébrations religieuses. Pour certains nous ne voyons pas trop comment, comme le divorce ou le changement de travail qui sont pourtant des temps forts de l’existence.

En conclusion, ce premier tout d’horizon de la notion de rites de passage nous permet tout de même d’affirmer l’intérêt méthodologie et analytique de cet outil. Cette notion aide à baliser le champ de recherches. Les actes accomplis consistent bien en une sacralisation des actes fondamentaux de la vie humaine : naître, devenir adulte, se marier – à nuancer- et mourir.

Les difficultés qui viennent d’être énoncées nous amènent à adopter un chemin inverse à celui qui est habituellement proposé. D’ordinaire, les études s’appuient sur la notion de rites de passage pour expliquer les actes ecclésiastiques et conditionner les demandes à la religion. Or, nous aimerions montrer comment l’expérience humaine des sondés comporte une dimension rituelle. Ce choix renvoie à la dimension religieuse actuelle : privatisation, individualisation, quête identitaire et l’explicite, mettant ainsi institution et population dans un rapport de « commerçant -client » de « prestataire de services – demandeur de services ».

La religion n’est pas l’expression d’une figure déformée de la vie humaine. Par ses caractères fondamentaux, elle se définit comme l’humanisation d’un rapport archaïque à l’environnement. Cette affirmation insiste sur le fait que la religion devient ainsi l’interprétation particulière d’une expérience humaine. Le rite est considéré comme une réalité anthropologique et sociale avant tout, qui peut en des circonstances données comportées une dimension religieuse. C’est précisément cela que nous avons ressenti à propos des demandes et attentes exprimées par les personnes sondées et dans les réponses de l’institution : toute demande et tout rite n’est pas pleinement religieux, il ne l’est qu’en partie.

Les rites religieux, ces temps forts doivent être compris comme des variables des rituels de la vie ordinaire. La sécularisation du fond est totale ou presque.