B. Les principales fonctions observées des demandes rituelles.

Elles sont un type de médiation spécifique entre l’Eglise et les distancés. Des nouveaux territoires de la pratique religieuse.

Comme nous l’avons montré auparavant, la célébration du rite revêt une fonction propitiatoire. Par la présentation d’un enfant, par une bénédiction des nouveaux mariés ou encore par la prière autour d’un défunt, les distancés viennent célébrer un acte qui leur permet de s’attirer les faveurs du destin. De surcroît, le rite permet d’exprimer l’espérance secrète d’une existence qui se déroule à l’abri du malheur et, pour ce qui est du culte funéraire, d’une confiance que le défunt reposera dans un lieu de paix.

L’énumération de ces fonctions souligne à sa manière que les demandes rituelles ont un fondement. Les ignorer revient à apporter des réponses inadéquates. Les fonctions de communication, de ratification et de convivialités exprimées invitent l’Eglise à prendre en compte la composante sentimentale de la religion des non pratiquants. Nous allons focaliser notre travail sur celles qui concernent la religion émotionnelle : les demandes de sécurité, de maîtrise et propitiatoire.

La compréhension que les distancés ont des rites se caractérise pour l’essentiel comme une tentative de maîtrise et de recherche d’équilibre avec la divinité. Cette dernière est perçue comme une force obscure, dont il faudrait se concilier la bonne volonté. Cette appréhension du divin culmine dans la religiosité moderne, cette religion émotionnelle. Cette dernière est empreinte de magisme. Les témoignages semblent illustrer une tentative de dépasser les peurs en les refusant. La magie renvoie au désir toujours renaissant de l’homme d’avoir à sa disposition une toute puissance qui lui permettrait d’écarter ses peurs. Autrement dit, la demande religieuse se caractérise par un refus irraisonné de prendre en compte la nécessaire dimension de l’angoisse devant la vie humaine. Mais la permanence des demandes rituelles montre précisément que cette illusion a un avenir, et qu’elle ne saurait devenir un tabou pour tous ceux qui entrent, dans l’Eglise, en relation avec les distancés.

Comment alors se situent les responsables et acteurs diocésains face à cette composante essentielle de la religion des adeptes de « l’Eglise à la carte ». Tous font le même constat : la tâche est difficile. Le dialogue ne semble pas porter ses fruits. Reprenons à notre compte une pensée de Spinoza pour illustrer l’analyse que font les ecclésiastes stéphanois sur la situation de leur diocèse : « Les émotions ne sont jamais effacées par la raison, mais seulement par des émotions plus fortes ». On retrouve ici l’idée de proposer des structures où l’expérience religieuse communautaire proposée en aval sera émotionnellement plus forte que la demande formulée individuellement en amont.

Le premier piège est celui de la supériorité élitiste : « Certains engagés sont souvent assez forts pour déboulonner les certitudes de l’autre… Il ne faut pas jauger d’un regard hautain cet aspect de la demande religieuse car l’éloge de l’insécurité doit s’appliquer d’abord à celui qui, avec assurance, dénonce les illusions des autres. Cela s’applique d’abord à nous, hommes et femmes d’Eglise ! » témoignait un prêtre. La quête de sécurité est inhérente à la nature humaine.

L’autre piège est constitué par la hâte teintée d’impatience. Ainsi sur ce thème, de la religion émotionnelle, une personne tenait les propos suivants : « On devrait se montrer délicat pour parler de l’insécurité et de la volonté de maîtrise […] les discours des gens d’Eglise sur ce thème nous paraissent souvent d’une extrême imprudence. Ils s’autorisent en effet à parler de l’insécurité comme de réalités supportables ». Il faut se remettre en mémoire que l’insécurité et la peur de l’avenir qui lui est liée, comportent une consistance sociale et psychologique. Poursuivant son analyse : « Beaucoup de gens se donnent ainsi des appuis pour se rassurer, avec bien sûr en façade, d’autres motifs ! La religion peut y servir… parmi tout le reste ».

Les rites de passage, dans la mesure où ils scandent les étapes importantes de la vie, sont associés au développement de l’identité individuelle et collective. Ils ont une fonction de structuration. Ils font partie des tournants de la vie, c’est en cela qu’ils sont assimilés à des temps forts. Le demandeur peut y retrouver une certaine confiance en l’Eglise, du moins c’est ce qu’elle poursuit. Ainsi, les responsables du diocèse de Saint Etienne ont compris les potentialités pastorales présentes dans les rites de passage. L’Eglise semble vouloir faire de ces deux rites, de ces deux temps forts dans l’existence d’un individu des occasions de retrouver le chemin de la foi. Penchons-nous sur le baptême et sa gestion « actualisée » .