INDIVIDUALISATION COMMUNALISATION : UNE TERRITORIALISATION DU RELIGIEUX COMPLEXE

« La paroisse demeure un lieu naturel, où l’Eglise est visible, autour du sanctuaire [...] Centrée sur la réalité fondamentale de l’eucharistie, la paroisse a pour première raison d’être la communion dans la foi et dans la vie du Christ de tous les baptisés destinés à former son corps vivant 116  ». Il n’est pas question ici d’entrer dans un débat théologique sur la paroisse et sa pérennité mais de montrer que malgré tous les discours et les prévisions sur sa disparition, illustrant le déclin « d’une vieille Eglise » comme certains annonçaient celui de la vieille Europe, la paroisse reste inscrite dans le déroulement de la vie chrétienne, même éphémère ou épisodique, des populations.

Nous venons de le démontrer à travers l’exemple des recompositions menées sur le diocèse de Saint Etienne. Alors que l’on parle de « gestion », de raréfaction du clergé, de regroupements, de mouvements ou de communautés, on évoque toujours et encore la paroisse comme solution territoriale et horizon vers lequel tendre. Cela est dû à ses principales caractéristiques :

Elle demeure le lieu de visibilité, de présence de l’institution et d’expression de la religion. De part son poids dans l’histoire de nos sociétés, elle illustre cette pensée de Maurice HALBWACHS: « si les pierres se laissent transporter, il n’est pas aussi facile de modifier les rapports qui se sont établis entre les pierres et les hommes 117  ». La paroisse permet la constitution d’une communauté dans l’unité de la foi et la possibilité de l’expression individuelle de cette foi. Elle est lieu de communion de toutes les composantes, laïque ou ordonné de l’institution. Enfin, elle demeure l’élément essentiel de la structuration de l’Eglise locale, un élément missionnaire, toujours à l’écoute des besoins nouveaux, toujours ouverte aux nouvelles formes plus ou moins institutionnalisées.

Adapter les formes d’une religiosité fluctuante, caractérisée par l’individualisme, l’itinérance et la subjectivité à une structure organisationnelle et territoriale est le défi de l’Eglise catholique. L’étude locale qui vient d’être menée a montré l’expansion d’une religiosité individuelle et mobile sur laquelle l’emprise de l’institution est difficile. Demandes rituelles, religion des temps forts, adhésion affinitaire, sont les principales caractéristiques de la sociabilité religieuse actuelle. Les couples antonymes : « rassemblement - dispersion » et « regulier-occasionel » cohabitent dans les nouvelles formes d’être religieux. Toutes les observations nous orientent vers l’affirmation que le chrétien ne veut plus… être chrétien comme avant. Il aspire à choisir lui-même les modalités de son rapport à la religion et à l’institution. Par conséquent il co-produit ou conditionne les structures territoriales de l’institution.

Formulé autrement, l’enjeu est celui de l’émergence de figures renouvelées de l’institutionnalisé catholique correspond aux processus contemporains d’une socialisation religieuse alignée sur le style général de la socialisation des les conditions de l’ultra modernité. L’objectif de cette troisième partie sera de synthétiser les éléments, les conclusions tirées de l’analyse des recompositions du diocèse de Saint Etienne afin d’éclairer cette problématique.

Dans un premier temps, nous dégagerons les grands traits de la modernité religieuse, nous attachant à montrer que les croyances se disséminent, se conformant de moins en moins aux modèles établis. Puis, nous démontrerons que l’approche pertinente du problème et une territorialisation adaptée dépendent de la prise de conscience du changement de la modélisation religieuse. La figure du pratiquant ne nous semble plus être celle du religieux du XXI ème siècle. Enfin, pour conclure, nous proposerons à travers la caractérisation de la paroisse nouvelle, une typologie de grands traits et axes de travaux qui seront à l’œuvre dans les prochaines années dans la constante adaptation du service de l’Eglise à la recomposition des territoires.

Notes
116.

Jean Paul II. Discours aux évêques de Français. Ad limina, D.C. 1987, p 238

117.

HALBWACHS M, 1950 p 173 « la mémoire collective », Paris, puf. Nouvelle édition critique établie par G. NAMER, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque de l'Evolution de l'Humanité », 1997, 295p