V. L’institutionnalisation et la territorialisation des pratiques pèlerines : missions impossible !

Cette sociabilité religieuse n’est pas nouvelle en soit. Depuis fort longtemps, l’Eglise Réformée a assimilé ce fonctionnement, ce rassemblement émotionnel – mais fortement individualisé à la base- dans lequel la dynamique collective est mise au service de l’identification croyante.

L’Eglise catholique en a fait l’expérience à travers tout un ensemble des « communautés » qui ont été décrites dans cette thèse. Ce qui différencie la situation actuelle des précédentes est que toutes les formules pèlerines ne requièrent pas – en principe- de socialisation préalable trop forte ni une intégration institutionnelle à venir. C’est en cela que la religiosité actuelle peut être assimilée à « l’acquisition de biens symboliques ». Ces formules attirent dans la mesure où elles offrent la possibilité d’une participation modulée, dont l’individu fixe lui-même l’intensité. Que cela soit dans le scoutisme, dans les grands pèlerinages ou dans l’observance individualisée et flottante de n’importe quelle pratique dite classique ( office, cène, messes particulières….), il y a une prise d’autonomie que favorise la forme même du regroupement. Chacun, d’où qu’il vienne (d’une paroisse, d’une communauté, d’un mouvement de renouveau ou charismatique…,) et quelque soit les raisons (religieuse, obscures, esthétiques ou autre) de sa présence investi individuellement et symboliquement la figure « du pèlerin flottant ». L’officialisation de ces formes précaires de sociabilité au sein du catholicisme et les modalités nouvelles de gestion institutionnelle de la participation religieuse qu’elle implique (la paroisse nouvelle) sont des bons indicateurs des transformations de la scène religieuse.

Les relations entre l’Eglise en tant qu’institution et ces populations s’inscrivent dans un nouveau climat. Il n’est plus question de non reconnaissance, de rejet ou de mise au banc du catholicisme de certaines pratiques et de leurs territorialisations. Il n’est plus non plus d’actualité de les encadrer, dans une tentative –vouée à l’échec- d’institutionnalisation mais de les accompagner. L’Eglise en fait des potentialités, des chances à saisir. On retrouve ici les traits principaux de l’adaptation de l’Eglise diocésaine : le caractère missionnaire des structures de la paroisse nouvelle et le positivisme du discours sur la situation religieuse locale.

Agrégation et dispersion semblent êtres les figures majeures du catholicisme en France et plus particulièrement à Saint Etienne. L’objectif affiché est de donner l’impression d’une dynamique symbolique assurant l’universalité du catholicisme. De la « paroisse nouvelle », aux JMJ, l’image que veut donner l’institution est très différente de la territorialisation statique qui était celle de la civilisation paroissiale. Temporalités et spatialisations semblent s’imposées à l’Eglise