B. Le rassemblement de la dispersion 

De prime abord, il y a incompatibilité entre ces deux termes. Incompatibilité d’humeur pourrait-on dire mais surtout d’ordre ecclésiologique. Le premier renvoie une image du passé, le second illustre la réalité actuelle du religieux. Comment alors les réinterpréter et les conjuguer dans la vie d’une paroisse, nouvelle ? Le rassemblement n’est plus le critère permettant l’évaluation de la vitalité des communautés actuelles. Dans la « paroisse éclatée », il n’a plus la place qui fut la sienne dans le « paroisse des voisins ». Le rassemblement n’est plus la mesure d’authenticité pour l’Eglise locale. Une longue tradition dans le catholicisme a fait du rassemblement le modèle ecclésial par excellence, celui ci n’a aucun caractère normatif malgré la place qu’il occupe dans l’Eglise. Il correspond à un temps donné, que certains pourraient qualifier de glorieux et fut trop longtemps considéré comme une clef de lecture et la règle de l’édification de celle ci.

Aujourd’hui, une autre clef s’impose : la dispersion, comme outil d’analyse et de compréhension adapté à la situation. On peut être tenté, en se référant à la Bible, d’en faire une forme nouvelle d’Eglise et de la substituer à l’ancienne. Mais théologiquement parlant, ce serait manquer d’une réflexion pour mettre en rapport la signification du rassemblement dont l’Eglise peut encore offrir des figures provisoires et la vocation d’être disséminés qui incombe à chaque communauté. La juxtaposition des deux termes, l’usage conjoint du rassemblement et de la dispersion implique une tension et suggère un mouvement qui caractérise mieux la vie chrétienne.

Dans la paroisse nouvelle, l’orientation des grands rassemblements semble tenir compte de la dispersion des personnes et des communautés. La signification profonde qu’ils revêtent est la réunion des hommes et des femmes aussi différents soient-ils. Dès lors, éloignés de mille manières, géographiquement, sociologiquement, par choix, ils se retrouvent réunis par anticipation d’un monde à venir. Dans la paroisse éclatée, les mots « communion » et « solidarité » prennent plus de poids que ceux « d’unanimité » ou encore « unité ».

Cette compréhension du rassemblement valorise la double expérience que font chaque jour les chrétiens dispersés. Du point de vue sociologique, si le rassemblement ne nivelle pas, il devient possible que la diversité soit mise en évidence comme une pluralité d’approches. C’est aussi avec sa propre différence que chacun a la responsabilité de s’approprier l’Evangile et d’en partager la compréhension dans la situation des uns et des autres – il en va de même pour tout texte, courant, idéologie … D’autre part, l’expérience de la dispersion est éclairée comme dissémination. C’est une responsabilité et un envoi, les rassemblements devant des soutiens mutuels et une promesse.

C’est en ce sens que la réinterprétation du rapport entre le rassemblement et la dispersion devient une tâche essentielle de la paroisse nouvelle. Il ne s’agit pas de deux situations opposables, l’une ecclésiale et heureuse, l’autre individuelle et douloureuse. Elles sont inséparables l’une de l’autre comme deux moments du mouvement même de la vie de la communauté et en communauté. Mais aujourd’hui, l’accent sera mis sur la dispersion comme vecteur d’une tension.