1.2.2.5. La théorie des buts

Par ‘buts’, cette théorie entend des objectifs ou des états que les personnes cherchent à atteindre (Thill dans Vallerand, 1993 : 392). Selon Locke et Latham, les buts auraient un aspect directif car ils permettraient d’orienter l’individu vers les éléments pertinents de la situation en ignorant ceux qui ne le sont pas (Fenouillet (b), 2003 : 91). De même, pour J. Nuttin, il convient de distinguer deux aspects du comportement : l’aspect moteur ou physiologique et l’aspect cognitif de la direction intentionnelle, qui mène à la construction de buts et de projets (Nuttin, 1980 : 71). Selon lui, comme le fait remarquer P. Carré, la spécificité de la motivation humaine réside précisément dans la projection dans l’avenir. Les représentations de l’avenir auraient ainsi un rôle prépondérant dans la dynamique des comportements (Carré, 1997 : 86-87). L’action serait dirigée par l’intention d’atteindre un « état-but » qui relève des représentations du sujet.

Les partisans de la théorie des buts estiment que la valeur attribuée au but représente un déterminant important des conduites car elle inciterait à l’action. Nous avons déjà abordé les principes de l’expectation de résultats et de la valence avec Tolman. Tentons maintenant de préciser ce qui donne de la valeur à un but à partir d’autres approches théoriques afin de compléter ce point.

Selon les théories de l’autodétermination, il existe trois types de motivation : la motivation intrinsèque, la motivation extrinsèque et l’amotivation. Ces trois types de motivation se distinguent par le degré d’autodétermination sous-jacent à leur forme respective de régulation. La motivation intrinsèque représente le niveau d’autodétermination le plus élevé parce qu’elle correspond à des comportements émis librement et par plaisir. Viennent ensuite les différents types de motivation extrinsèque, et, en dernier, l’amotivation puisqu’elle représente l’absence de contrôle (Thil, Vallerand, 1993 : 537-538). Les théories de l’autodétermination estiment que la motivation pour un but est d’autant plus élevée que ce but et les comportements utilisés pour l’atteindre ont été choisis librement et par plaisir. Cela serait dû au fait que, dans ce cas, le sujet se sentirait responsable de ses comportements (Pelletier et Thill dans Vallerand, 1993 : 257 et 262). Ainsi, le besoin de se sentir autodéterminé influencerait la valeur attribuée aux buts.

Selon J. Nuttin, l’individu est poussé par une tendance à l’autodéveloppement, au dépassement permanent de son état antérieur en direction d’un état jugé supérieur. Pour cet auteur, la motivation se caractérise par un dynamisme ou un besoin fondamental d’autodéveloppement qui se traduit par la formation de buts et de projets d’action tournés vers une représentation du futur souhaité (par Carré, 1997 : 46). En effet, selon J. Nuttin,

« Dans la mesure où l’on réussit à percevoir sa formation continue, ou le travail à faire, non seulement comme une voie à suivre pour réaliser les projets des autres, mais comme le chemin de son propre accomplissement, la condition essentielle d’une motivation authentique est remplie » Nuttin Joseph, (1987), cité par Carré, 1997, p.60.

« Pour s’inscrire dans le schéma motivationnel, [la formation] doit être incorporée par le sujet au projet d’auto développement qu’il forme pour lui-même » Carré, 1997, p. 60.

Ainsi, selon P. Carré (1997 : 46), la volonté d’apprendre de l’adulte s’inscrit toujours dans un ensemble de « motifs » 7 ou « objets-buts » 8 que la formation doit permettre d’atteindre. C’est à cette seule condition qu’un objectif revêtirait une forte valence pour un sujet.

On peut aussi penser à la notion de projet qui renforcerait la valence. Par exemple, les comportements qui rentrent dans le cadre de l’accomplissement de projets seraient motivés par une forte valence. Dans le cadre de l’apprentissage, on peut penser aux projets de réinvestissement de connaissances qui impliquent l’anticipation d’un usage des connaissances et habiletés acquises. 9

Sans pour autant nier les autres aspects de la motivation (aspect physiologique, aspect psychodynamique), les théories sociales cognitives se sont ainsi attachées à analyser l’aspect cognitif de la motivation. Nous pouvons d’ores et déjà constater à partir de ces différentes approches théoriques que si l’usage commun de la motivation renvoie à des explications causales des comportements, il ressort de ces différentes théories une conception de la motivation en termes d’explication du comportement par la finalité. La motivation est ainsi définie comme naissant des forces d’origine cognitives (relatives aux buts des apprenants) telles que la valence, l’instrumentalité, l’expectation de résultat, l’expectation d’efficacité personnelle, l’expectation d’efficacité des moyens, et les attributions causales. Mais que savons-nous du développement et de l’action de ces forces? Nous développerons maintenant plus en détails la théorie sociocognitive d’ A. Bandura en vue d’apporter des réponses sur ces derniers points.

Notes
7.

Tough A. (1971), cité par Carré, 1997 : 46.

8.

Nuttin Joseph (1980), cité par Carré, 1997 : 46.

9.

Tough, Ibid. Cité par Carré, 1997 : 89.