Le sentiment d’efficacité personnelle

A. Bandura ne nie pas l’importance de l’expectation de résultat (la croyance que le comportement et les efforts fournis mèneront au but), mais il souligne que cette dernière ne garantit pas que l’individu s’engage dans une tâche spécifique. Il propose donc sa théorie de l’expectation d’efficacité afin de compléter celle de l’expectation de résultats en mettant l’accent sur l’importance des croyances concernant la capacité de mobiliser effectivement les comportements, habilités et connaissances identifiés comme nécessaires à l’obtention d’un résultat donné (Thill dans Vallerand, 1993 : 381-382 et Bandura, 2003 : 35-38).

Ainsi, le concept phare développé par A. Bandura est celui d’expectation d’efficacité ou de sentiment d’efficacité personnelle (SEP). A. Bandura définit l’efficacité personnelle ainsi : « l’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités ». Elle « concerne les évaluations par l’individu de ses aptitudes personnelles » (Bandura, 2003 : 12 et 24).

Quant aux origines du SEP, A. Bandura a identifié quatre sources principales d’informations qui influencent le SEP : les expériences de maîtrise, le modelage social, la persuasion verbale et les indices physiologiques.

Selon lui, les comportements émis par les sujets étant le fruit des effets positifs ou négatifs produits par leurs actions antérieures, le meilleur moyen de développer un SEP est de vivre des expériences qu’on maîtrise et qu’on réussit (Bandura, 2003 : 125). La structuration de tâches de manière à assurer une maîtrise progressive de certaines compétences ou l’aménagement de conditions mettant en évidence les capacités des personnes peut ainsi résulter en un auto-modelage et en une augmentation du SEP.

Le SEP peut aussi être développé par modelage social, c’est à dire à travers l’observation d’autrui et en tirant des conclusions ou des règles sur ce qui est possible de faire. Selon A. Bandura, les gens recherchent activement des modèles qui possèdent les compétences auxquelles ils aspirent ; l’observation de ces modèles compétents enseigne aux sujets des compétences et des stratégies efficaces, ce qui a pour effet d’augmenter leurs croyances d’efficacité. Le modelage lié aux aspirations guide et motive ainsi le développement personnel. Le modelage serait d’autant plus efficace que le modèle présente des caractéristiques personnelles similaires à celles de l’observateur qui déduira de son observation les capacités de performance auxquelles ces caractéristiques donnent lieu (Bandura, 2003 : 135, 137 et 151).

Ce seraient les processus attentionnels qui détermineraient ce qui est observé parmi le nombre de modèles auxquels le sujet est exposé et ce qui est extrait à partir de cette observation. La capacité des observateurs dans le traitement de l’information déterminerait l’importance du bénéfice retiré des expériences observées ; leurs attentes perceptuelles (dérivées des expériences passées et des exigences de la situation) influenceraient la sélection des éléments extraits des observations et la façon dont ils l’interprètent. Les processus de rétention seraient aussi impliqués dans le modelage social ; ils seraient, eux, responsables du stockage dans la mémoire (sous forme de représentations symboliques) des nouvelles informations (Bandura, 1976 : 29-31).

Les exhortations verbales telles que les encouragements peuvent aussi accroître le SEP, c’est pourquoi les feed-backs de même que les attributions et les messages qu’il véhiculent sont influents. Mais bien que la persuasion verbale puisse augmenter l’expectation d’efficacité personnelle, cela demeurera transitoire si les efforts de l’individu ne se concrétisent pas rapidement, car le SEP sera ensuite confronté à l’épreuve de la réalité dans laquelle il risque de ne pas survivre s’il a été ‘artificiellement’ développé. Enfin, les individus peuvent évaluer leur degré d’efficacité à partir d’indices physiologiques tels que la fréquence cardiaque et la moiteur de la peau. Les états d’anxiété ou de stress peuvent être interprétés comme le signe d’un manque de capacité et peuvent influer sur le SEP (Bandura, 2003 : 156 et 163).

La manière dont il intègre les informations sur son efficacité dépend de l’attention portée par l’individu aux différents indices de son efficacité et de sa façon de traiter cette information pour une auto-évaluation. Les informations acquises à travers ces quatre sources n’influencent donc pas directement l’expectation d’efficacité. Celle-ci correspond à un processus inférentiel d’attributions causales (voir p.20) par lequel la personne évalue et combine de multiples indices de ses expériences passées comme l’habileté perçue, la difficulté de la tâche, la quantité d’efforts déployés ou l’aide reçue (Bandura, 2003 : 124 et 174-176). Lorsque les personnes ont évalué et intégré ces différentes formes d’informations, leurs jugements d’efficacité affectent en retour leurs comportements (Thill dans Vallerand, 1993 : 385).

Ces différentes sources d’information susceptibles d’influencer le SEP et la manière dont ces informations sont intégrées laissent entendre qu’il est possible d’agir sur le SEP des apprenants et constituent autant de pistes d’action précieuses pour ce faire. Il s’agit donc maintenant d’examiner de plus près les influences du SEP sur le fonctionnement humain.