3.2. Apprendre aux apprenants à autoréguler leur motivation

3.2.1. Identification de moyens d’action

Dans une structure autonomisante telle qu’un dispositif à dominance auto-directif, puisque nous avons vu que l’autonomie participait de la motivation et que les apprenants contribuent eux-même pour la plus grande partie à la régulation de leur motivation, pourquoi ne pas essayer d’autonomiser les apprenants en termes de régulation de leur motivation ?

Cela implique en premier lieu que les apprenants sachent exactement en quoi consiste le processus de motivation. En effet, nous pouvons citer les résultats d’un questionnaire ouvert (voir annexe 6, p.96) réalisé par nous-même dans le cadre de ce mémoire et composé de questions portant sur ce que les apprenants considéraient comme motivant et démotivant dans le travail en autonomie qu’ils pratiquent au centre de langues de Lyon 2. Outre un malaise lié au fort degré de liberté dont les étudiants disposent, ce questionnaire a révélé que les étudiants avaient des représentations un peu manichéennes de la motivation. Ils ont réagit au terme « motivant » en le traitant comme synonyme de « positif ». Il semble donc qu’ils n’aient qu’une vague idée de ce qui est motivant dans le sens de ce qui pousse à émettre un comportement. Il s’agira donc de leur fournir une définition valide de la motivation et d’insister sur le rôle que les cognitions peuvent elles-même jouer dans la motivation.

Nous avons vu dans notre développement que le postulat de l’approche sociocognitive résidait dans l’agentivité des apprenants et plus particulièrement dans le fait que faire prendre conscience aux individus des forces qui déterminent leur comportement pourrait les aider à réguler leur motivation. On peut ainsi imaginer de familiariser les apprenants avec les différentes phases (anticipation, action, rétroaction/autoréflexion) qui sous-tendent la régulation de la motivation d’origine cognitive ainsi que les facteurs qui y interviennent (sentiment d’efficacité, expectation de résultats, etc.). En comparant leurs pratiques au modèle, ils pourront mieux se connaître en tant qu’ « apprenant motivés ». A. C. Barbot recommande une telle démarche. Elle se base pour cela sur le profil motivationnel des apprenants établi par R. Viau et souligne que « l’auto-observation de son profil de motivation par l’apprenant peut lui donner des indices sur ce qui le freine ou le pousse dans son apprentissage » (Barbot, 1999 : 68-69).

Bandura recommande d’apprendre aux étudiants à utiliser l’auto-observation, l’auto-jugement et l’auto-réaction pour s’auto-réguler. Ainsi, en se fixant comme objectif de développer leur motivation, les apprenants pourraient être amenés à observer, juger leur manière de réguler leur motivation, et y réagir en décidant d’essayer d’agir ou non sur l’intervention de ces différents facteurs.

L’intervention peut consister en l’utilisation de nouvelles stratégies de motivation liées à l’apprentissage (voir p.73-74). Ici aussi les représentations des apprenants en termes de stratégies efficaces peuvent constituer une menace au bon développement des stratégies de l’apprenant puisque ces derniers n’utiliseront que les stratégies qu’ils considèrent comme efficaces au détriment de celles qui le sont vraiment mais qu’ils ne considèrent pas comme telles. L’analyse d’un autre questionnaire (voir annexe 7, p.102), fermé celui-ci, rempli par les apprenants du Centre d’Apprentissage des Langues de L’Université de Provence (CALUP) dans le cadre de mon stage, montre que certains apprenants peuvent avoir des représentations dysfonctionnelles de ce qui est motivant.

Ce questionnaire visait à sonder les éléments que les apprenants considèrent comme les plus motivants. Il y était demandé aux apprenants d’attribuer un chiffre de 1 à 3 selon qu’ils trouvent chaque élément pas motivant (1), assez motivant (2) ou très motivant (3). L’analyse des réponses des apprenants m’a permis d’effectuer une classification des différents éléments proposés, des moins motivants aux plus motivants. D’après cette classification, il semble que les étudiants aient parfois des représentations dysfonctionnelles des stratégies motivationnelles les plus efficaces. Par exemple, les éléments suivants n’ont pas été classé parmi les plus motivants :

“ Attribuer vos échecs à un manque d’effort, de concentration ou à du matériel inadéquat ”, “ Les défis difficiles mais réalisables ”, “ Vous engager à quelque chose devant des témoins ”, “ Travailler en groupe ”, “ Evaluer vos progrès sans être noté ” et “ Réfléchir à la manière dont vous travaillez afin de l’améliorer ”

Ces éléments constituent pourtant des déterminants efficaces de la motivation. Il s’agira donc de recommander aux tuteurs d’attirer l’attention des apprenants sur ces éléments qui peuvent constituer des stratégies motivationnelles à tester.

Bien sûr, signaler l’efficacité ou l’inefficacité de ces éléments ne suffira pas à convaincre les apprenants. Il importe donc de les amener par différents procédés à essayer ou à cesser d’utiliser ces stratégies et à en constater les effets à travers l’auto-observation et l’auto-jugement. C’est à ce niveau que les représentations dysfontionnelles des apprenants seront susceptibles de changer et que s’ensuivront les auto-réactions des apprenants relatives à leurs expériences.