L’oxymore

L’oxymore, et non pas le paradoxe, est bien le trope qui fait tourner les textes de John Fowles, créant cet effet de vacillement par l’énonciation de quelque chose qui ne peut pas faire un sens « tout ». On peut parler de sens « pas-tout » dans le même ordre que Lacan parle de la femme « pas-toute », d’autant plus que l’oxymore, trope récurrent d’un roman à l’autre de John Fowles, est, presque toujours associé au personnage féminin. Ainsi, dans The Magus, Nicholas se heurte à l’énigme d’Alison et tente de la saisir sous cette forme :

‘She had candid grey eyes, the only innocent things in a corrupt face, as if circumstances, not nature, had forced her to be hard. To fend for herself, yet to seem to need defending. And her voice, only very slightly Australian, yet not English, veered between harshness, faint nasal rancidity, and a strange salty directness. She was bizarre, a kind of human oxymoron. (p. 24)’

Il faut, en outre, souligner que cette caractéristique semble à Nicholas se lier à la féminité d’Alison et définir ce qui fait d’elle une femme :

‘Alison was always feminine; she never, like so many English girls, betrayed her gender. She wasn’t beautiful, she very often wasn’t even pretty. But she had a fashionably thin boyish figure, she had a contemporary dress sense, she had a conscious way of walking and her sum was extraordinarily more than her parts. (p. 31)’

Le trope revient dans The French Lieutenant’s Woman lorsque Charles tente de comprendre Sarah :

‘The more he thought about it the more Sarah-like that sending of the address – and nothing more – appeared. It was perfectly in key with all her other behaviour, and to be described only by oxymoron: luring-receding, subtle-simple, proud-begging, defending-accusing. (p. 296)’

L’oxymore marque alors les limites de l’incomplétude qui se manifeste à la fois au niveau du texte et au niveau de la relation sexuelle entre Charles et Sarah, creuse un vide et, en fin de compte, ramène le texte et le sujet au bord du réel impossible.

Comment le roman de Fowles, où il est beaucoup question de limites, aborde-t-il les lisières du réel, là où vacillent les semblants ?

Dans The French Lieutenant’s Woman John Fowles explore ce qui sépare le roman victorien et le roman moderne et s’interroge sur la fin et les fins du roman. L’écriture, qui devient un processus de réduction de l’hétérogénéité afin d’en extraire quelque chose de nouveau,s’apparente au processus de sublimation alchimique. Il peut alors être éclairant d’analyser le roman dans un premier temps à la lumière des notions du sublime et de la sublimation.