Le voyage

Le thème du voyage revient fréquemment dans la littérature et revêt une importance métaphorique. Katherine Tarbox en souligne la polysémie, “the journey is an archetype of multifarious meaning” 193 . Elle relève les aspects intertextuels en précisant que “it is the same archetype that guides works such as Canterbury Tales, Eliot’s Waste Land, ‘Journey of the Magi’, Pilgrim’s Progress, and ‘Childe Harolde to the Dark Tower Came’.” (p. 147). Dans le roman de Fowles elle note que le voyage se termine dans une grotte “which is both womb and tomb” (p. 146). En fin de compte Katherine Tarbox fait de Mr Bartholomew un mage, à l’instar de Conchis dans The Magus  :

‘Bartholomew constructs a proliferating godgame. He leaves Rebecca behind to tell the story, which then becomes a godgame for Ayscough, the duke, and the reader. The meaning of the masque is equally unassigned for all who hear the story. 194

Susana Onega relève les mêmes allusions intertextuelles à Chaucer et à Eliot puisque le voyage se déroule au mois d’avril que les deux auteurs voient de façon contrastée. Néanmoins, cette binarité introduite entre les « averses douces d’avril » et « le mois le plus cruel » reflète les deux versions des événements que donne Rebecca d’abord à Jones ensuite à Ayscough et, à ce titre, semble être une fausse piste pour le lecteur et ne révélera pas le sens de l’histoire.

S. Onega, toutefois, souligne la triple nature du voyage : le voyage physique de Londres à la grotte dans le Devon, la quête du héros mythique, et surtout le voyage psychologique et régressif :

‘The journey is primarily a psychological journey backwards, aimed at the recovery of that fourth dimension of time “what might have been”. 195

Elle fait une interprétation Jungienne du voyage où le héros, Mr Bartholomew, est à la recherche d’une identité cohérente qui réunirait les trois parties de son être : le conscient, « l’anima » et l’inconscient représentés respectivement dans le texte par Dick, Rebecca et lui-même :

‘Thus, from a psychological perspective, the journey becomes a hero’s quest for a new totality of the self, which must be achieved through his acceptance of the coincidentia oppositorum, the reconciliation of his conscious, his unconscious and his anima potentialities, in the global perception of the self as such. 196

L’intérêt de Fowles pour les théories de Jung est bien connu et l’hypothèse d’Onega est séduisante et correspond peut-être à une intention de l’auteur. Mais l’auteur n’est pas maître du sens produit, et comme Fowles le dit, l’intérêt réside souvent dans les parties obscures de l’œuvre, dans ce qui échappe à sa maîtrise. Il nous semble alors que lire le roman comme ce qui établit un rapport entre les théories de Jung et les personnages et les événements décrits, aussi fascinantes que soient les conclusions, revient finalement à fonder le roman sur un signifiant maître qui serait le « quaterne » de Jung autour duquel tout s’articulerait.

Dans A Maggot comme dans The Magus il y a effectivement pléthore de possibilités de sens qui rendent impossible la tâche d’en attribuer un seul au roman. Il s’agit de poudre jetée aux yeux du lecteur à qui il revient de voir que ce qui importe, ce ne sont pas les solutions partielles qui ne sont pas plus satisfaisantes que la conclusion que donne Ayscough au récit, mais le fait qu’à l’histoire du sujet humain, il n’y a pas de mot de la fin.

Notes
193.

Katherine Tarbox, op. cit., p. 147.

194.

Ibid., p. 154.

195.

Susana Onega, op. cit., p. 145.

196.

Ibid., p. 148.