C.1. Historique 

Les premières études de psycholinguistique étaient basées sur le behaviorisme, fondé en 1924 par Watson, définissant la psychologie expérimentale comme l’étude du comportement observable. Cette approche a très rapidement montré ses limites en terme de méthode d’investigation des fonctions cognitives. En effet, dans la perspective behavioriste, le langage est réduit à n’être qu’un ensemble de réponses verbales associées à des situations types, selon le schéma stimulus-réponse caractéristique du réflexe conditionné. Cette approche ne peut rendre compte de la spécificité de l’activité langagière dont le propre est d’être productive et structurée. La seconde époque de la psycholinguistique va ensuite débuter, dominée par le modèle chomskiste de la grammaire générative (voir paragraphe B. Introduction à la linguistique). Les travaux de Chomsky vont constituer tout au long des années soixante la base quasi exclusive des travaux de psycholinguistique. A partir des années soixante-dix, la psycholinguistique de ‘troisième génération’ va réagir contre la domination du modèle générativiste, et se donner comme objectif de construire des modèles psycholinguistiques de manière plus intégrée à l’étude des processus cognitifs, en analysant le traitement du langage en liaison avec d’autres systèmes cognitifs tels que perception, mémoire ou raisonnement. A travers la diversité des objets (syntaxe, sémantique, pragmatique…), ainsi qu’à travers la diversité des modèles (modularité ou connexionnisme ; cf. Annexe 1.1), l’approche basée sur le traitement de l’information s’est progressivement imposée. Aujourd’hui, la psycholinguistique s’attache à déterminer la nature et le mode de fonctionnement des opérations mobilisées dans le traitement des différents composants du langage, phonologique, lexical, syntaxique, sémantique ou pragmatique. Ces différents niveaux de l’analyse correspondent-ils à des unités de traitement distinctes, ‘processeurs’ autonomes ou non, hiérarchisés ou non ? Ces unités de traitement fonctionnent-elles de façon séquentielle (en série), ou bien de manière interactive (en parallèle), chaque composant communiquant au fur et à mesure ses résultats à tous les autres, directement ou par l’intermédiaire d’un processeur central ? Dans quelle mesure les processus de traitement du langage sont-ils automatiques ou au contraire contrôlés ? Sont-ils des formes particulières des processus cognitifs généraux, ou bien engagent-ils des mécanismes spécifiques relevant de dispositifs spécialisés ? Telles sont les questions principales qui se posent actuellement à la recherche en psycholinguistique. Pour y répondre, de nombreuses techniques d’expérimentation ont été développées. Dans l’étude des niveaux supérieurs de traitement, les méthodes les plus classiques, dites ‘off-line’, explorent le produit du traitement résidant en mémoire à court ou à long terme : des tâches de rappel, de reconnaissance, de complétion de phrases, de jugement sémantique ou syntaxique, etc sont utilisées. Parallèlement, les techniques d’analyse en temps réel (‘on-line’) se sont récemment beaucoup développées. S’appuyant sur des mesures chronométriques très précises, elles donnent accès aux procédures de traitement au moment même où elles s’effectuent : tâches de décision lexicale (temps que le sujet met à déterminer si un stimulus est un mot ou non), ‘shadowing’ (répétition immédiate d’un message), détection d’erreurs, etc. A ces méthodes de psychologie expérimentale sont venues s’ajouter des mesures physiologiques telles que les mouvements et fixations oculaires, les mesures électroencéphalographiques comme les Potentiels Evoqués (cf. paragraphe E.6), ou les techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle (cf. paragraphe E.2).