C.2.b. Apprentissage de la lecture

Entre l’âge de 6 ans, où l’enfant ne sait pas lire toutes les lettres, et 8 ans où il est capable de reconnaître des centaines de mots en d’en déchiffrer des milliers, l’enfant a appris à utiliser un système cognitif complexe dont le fondement est la mise en relation d’informations visuelles avec leur correspondance sonore et sémantique. On admet ainsi que, quelle que soit la méthode éducative utilisée, l’apprentissage de la langue écrite utilise une propriété innée et particulièrement performante du cerveau lui permettant dans un premier temps d’apprendre les règles de conversion de graphèmes en phonèmes et de les appliquer (stade alphabétique), puis, au fur et à mesure que la conversion graphème-phonème devient plus experte, d’apprendre à reconnaître les groupes de graphèmes formant les syllabes puis les mots, sans avoir à passer par une analyse grapho-phonologique pas à pas (stade orthographique).

Le modèle d’apprentissage de la lecture le plus connu est celui proposé par la psychologue anglaise Uta Frith (Frith, 1985; Gough and Hillinger, 1980). Ce modèle considère trois étapes successives, logographique, alphabétique et orthographique, correspondant à trois stratégies différentes d’identification des mots écrits, dont la maturation successive serait à l’origine de la formation d’un système de lecture experte. La caractéristique principale de ce modèle est de postuler que chaque étape se met en place grâce aux acquis obtenus au cours des étapes précédentes. C’est cette notion de successivité sans chevauchement qui a été récemment contestée et a donné lieu à des propositions de modèles alternatifs (voir (Rayner et al., 2001)). Selon le modèle de Frith, entre 4 et 6 ans, l’enfant serait capable de reconnaître certains mots grâce à leurs traits saillants et leur contexte. Il s’agit du stade logographique. L’étape suivante est dite alphabétique : l’enfant prend conscience de l’existence d’unités sublexicales, et apprend que les relations entre la forme écrite et la forme parlée de ces unités n’est pas arbitraire, mais répond à des règles de correspondance systématiques. Lorsque les règles de conversion graphème-phonème sont bien acquises – ou probablement avant qu’elles le soient totalement – l’étape orthographique prend place. Lorsqu’un mot a été rencontré suffisamment souvent pour devenir familier, il est adressé à un lexique interne qui le reconnaît selon sa forme visuelle globale sans avoir besoin de passer par la voie d’assemblage. Cette procédure permet un accès plus aisé et plus rapide au sens du mot. La lecture experte résulterait de l’usage de plus en plus prépondérant de cette procédure, et de son automatisation, de sorte que chez l’adulte normo-lecteur cette voie est utilisée presque exclusivement.