C.3.c. Identification des mots : accès au lexique mental

Au niveau supérieur du traitement de la parole et de l’écriture s’effectue l’identification des mots. Reconnaître un mot suppose qu’il ait été précédemment enregistré en mémoire. En d’autres termes, tout locuteur d’une langue possède en mémoire un lexique interne, c’est à dire un ensemble de représentations correspondant aux unités signifiantes de sa langue. On peut, en première approximation, envisager ce lexique sur le modèle d’un dictionnaire, c'est-à-dire comme une liste ordonnée ‘d’entrées lexicales’, dont chacune comporterait l’ensemble des informations nécessaires pour identifier, comprendre et utiliser l’unité considérée. Chaque entrée lexicale est caractérisée par trois types d’informations : (a) la forme phonologique (acoustique, articulatoire et graphique) du mot ; (b) les propriétés syntaxiques et morphologiques (catégorie, genre, nombre, etc.) définissant ses possibilités d’utilisation dans une phrase ; (c) sa signification et éventuellement ses conditions d’utilisation selon la situation 13 .

Notons que les nombreux travaux consacrés à l’étude du lexique mental l’ont abordé de deux façons différentes. Les uns se sont intéressés à l’accès lexical, c'est-à-dire aux mécanismes par lesquels les mots sont retrouvés en mémoire, pour être reconnus ou produits ; les autres ont porté sur la représentation mentale des significations (sémantique psychologique) et leur organisation en mémoire (mémoire sémantique). Bien que les deux types de problèmes soient liés, les travaux qui les concernent se sont développés de façon relativement indépendante. Nous parlerons dans ce chapitre d’accès aux mémoires des mots, et nous ne traiterons pas de l’accès aux significations des mots, ce traitement ne prenant pas place dans notre problématique.

L’étude de l’accès lexical doit répondre à deux types de questions : (a) Il s’agit de définir la nature du lexique interne : quelles sont les unités qui y figurent ? Comment sont-elles classées et quelles relations entretiennent-elles ? (b) Il faut par ailleurs tenter de définir les processus d’accès au lexique : sont-ils passifs (activation automatique d’une représentation en mémoire), ou actifs (recherche, systématique ou non, à travers le lexique) ? En outre, s’agit-il d’un mécanisme indépendant, qui se déroule de façon autonome, ou est-il en interdépendance avec des processus qui s’effectuent simultanément, à d’autres niveaux ?

Notes
13.

Ces deux derniers ensembles de propriétés – syntaxiques et sémantiques – constituent ce que Levelt Levelt WJM. Speaking: From Intention to Articulation. Cambridge: MIT Press, 1989. propose d’appeler le ‘lemma’, distinct de la forme phonologique, auquel le locuteur, en production, aurait accès indépendamment de celle-ci.