Nature du lexique interne

Un grand nombre de questions restent à ce jour non élucidées quant à la ‘contenance’ du lexique mental. Entre autres, notre lexique interne contient-il tous les mots de la langue, ou seulement les morphèmes (cf. paragraphe B.3 ; chapitre linguistique) qui les constituent, et qui peuvent être combinés de différentes façons, conformément à des règles apprises avec le lexique ? Certaines données vont dans le sens d’une décomposition en morphèmes préalable à l’accès lexical (voir (Stanners et al., 1979; Taft and Forster, 1975)). Cependant, il semble que les mots préfixés ou suffixés ne donnent lieu à un amorçage sur leur radical que si leur sens peut être immédiatement construit à partir de leur composition ; dans le cas contraire, ils figureraient dans le lexique sous leur forme complète (Marslen-Wilson et al., 1994). Ainsi, si l’on peut admettre que la représentation mentale du mot ‘remettre’ donne lieu à décomposition, cela devient plus contestable pour ‘renoncer’, qui est pourtant bien, étymologiquement, un mot composé. La fréquence d’emploi joue également un rôle : les mots suffixés de fréquence élevée (par exemple, ‘travailleur’) figureraient sous forme complète, alors que les mots plus rares (comme ‘travailliste’) ne seraient identifiés qu’à partir des morphèmes qui les composent (Meunier and Segui, 1999).

Un second problème est celui des mots polysémiques. Un mot comme ‘grève’ par exemple comporte-t-il deux entrées lexicales (‘grève’ = plage et ‘grève’ = arrêt de travail), dont l’accès serait commandé par le contexte ? Ou bien n’avons-nous en mémoire qu’un seul mot, dont la signification serait sélectionnée après l’accès lexical ? Les résultats d’une expérience de Swinney (Swinney, 1979) vont dans le sens de la seconde hypothèse, mais il faut toutefois signaler qu’ils n’ont pas toujours été reproduits. Enfin, les locutions telles que ‘briser la glace’, ‘tenir la jambe’, semblent être enregistrées directement dans le lexique, au même titre que les mots (Swinney and Cutler, 1979).