D.5.d. Différents sous-types de dyslexies développementales

Plusieurs sous-types de dyslexie sont décrits selon que prédominent des troubles phonétiques et/ou des troubles visuels et orthographiques, ces variantes correspondant possiblement à des anomalies d'organisation de populations de neurones dans différentes régions cérébrales (cortex associatif pariétal inférieur, temporal inférieur, occipital médian). Ainsi, certaines dyslexies seraient liées à une difficulté première à manipuler les sons du langage, d'autres à une difficulté à traiter l'image visuelle que représente le mot.

Certains auteurs (Boder, 1973; Castles and Coltheart, 1993; Mattis et al., 1975; Mitterer, 1982) ont proposé de distinguer trois types différents de dyslexie : la dyslexie phonologique, la dyslexie de surface (ou orthographique) et la dyslexie mixte associant les deux types de troubles. D’après les modèles de lecture à double-voie (voir paragraphe C.3.c, chapitre psycholinguistique), les mots écrits peuvent être décodés de deux façons différentes (Coltheart et al., 1993) :

(1) soit directement par un décodage orthographique – le mot est reconnu dans son ensemble, sa forme visuelle faisant référence à une forme connue contenue dans le lexique orthographique d’entrée.

(2) soit indirectement en passant d’abord par un transcodage grapho-phonémique – les groupes de lettres sont alors traduits en unités du langage oral.

Ces deux voies de lecture sont dénommées respectivement voie d’adressage et voie d’assemblage. Les dyslexiques de surface ont plus de difficulté pour lire les mots irréguliers que les pseudo-mots 23 , ce qui suggère que le déficit porte principalement sur la voie orthographique (Castles and Coltheart, 1993) ; les mots irréguliers comme ‘tabac’ sont "régularisés", c'est-à-dire produits à l’oral sous la forme /tabak/. Les dyslexiques phonologiques ont davantage de difficultés pour lire les pseudo-mots, ce qui traduirait une atteinte prépondérante de la voie phonologique d’assemblage ; ils présentent aussi de très grandes difficultés dans les épreuves de conscience phonologique, tâches impliquant la manipulation consciente des sons élémentaires constitutifs des mots, comme dans la tâche dans laquelle il est demandé au sujet de répéter un mot en supprimant le premier son du mot : par exemple répéter le mot "trapèze" en omettant le premier phonème (/t/), c'est-à-dire /rapεz/. Ainsi, certains sujets souffrent de problèmes de décodage phonétique mais pas de reconnaissance visuelle : ils lisent en faisant beaucoup d'erreurs en tentant de deviner les mots sur la base de leur forme globale. Ils souffrent de dyslexie phonologique (ou dysphonétique), et représenteraient pour les auteurs anglo-saxons les 2/3 de la population dyslexique. Les sujets révélant une procédure d'analyse phonétique préférentielle font moins d'erreurs, mais au prix d'une lecture particulièrement lente, chaque mot étant laborieusement décodé par syllabation. Ces dyslexiques de surface (ou dyséidétiques) représenteraient moins de 10% de la population dyslexique, les derniers souffrant d'une association des deux types de troubles (Boder, 1973).

Cette classification des troubles dyslexiques est de plus en plus remise en cause. Par exemple, les dyslexiques – comparés à des enfants de même âge de lecture – montrent un déficit principal dans leurs aptitudes phonologiques plutôt qu'orthographiques, qu'ils soient plus lents ou commettent plus d'erreurs (Sprenger-Charolles et al., 2000). Ces résultats minimisent l'importance de la dissociation entre les deux profils et suggèrent que la dyslexie développementale pourrait être principalement causée par un déficit phonologique sous-jacent.

Notes
23.

Les pseudo-mots sont des séquences de lettres prononçables mais n’ayant aucune signification dans la langue considérée (exemple : MABLE)