D.5.e. Description des troubles

Trois principales voies de recherche en neurosciences ont été explorées ces dernières années, pour tenter de décrire les troubles dyslexiques : la théorie phonologique, la théorie visuelle et la théorie temporelle.

Déficit de traitement phonologique

L’hypothèse explicative des troubles dyslexiques la plus répendue est celle d’un déficit de traitement des informations phonologiques (Frith, 1997; Snowling, 1981; Snowling, 2000). De nombreuses études ont montré que les enfants dyslexiques, comparés à des enfants normo-lecteurs, ont des difficultés à réaliser des tâches de traitement phonologique telles que la répétition de non-mots, la fluence phonémique, la dénomination d’images, l’apprentissage phonologique, la conscience phonémique ou le test de mémoire verbale à court terme (voir (Valdois et al., 2004)).

L’idée principale est que les enfants dyslexiques souffriraient d’une déficience de conscience phonologique (Paulesu et al., 2001) : les enfants les moins performants en lecture sont ceux qui ont le plus de difficultés à segmenter les mots en phonèmes (Liberman, 1973; Morais et al., 1984). Lundberg et al. ont montré que des enfants entraînés à des exercices de segmentation de mots en phonèmes ou syllabes voyaient leurs capacités en lecture augmenter significativement (Lundberg et al., 1988). L’idée principale de la théorie phonologique est que les dyslexiques souffriraient d’un déficit au niveau de la représentation même des phonèmes. La meilleure démonstration de ce trouble est la difficulté qu’ont les dyslexiques dans les tâches de perception catégorielle. Différentes études suggèrent que les dyslexiques sont moins catégoriels que les normo-lecteurs dans la façon qu’ils ont de percevoir les contrastes phonétiques. Ceci se traduit par des difficultés majeures à catégoriser comme ‘ba’ ou ‘da’ un continuum acoustique artificiel entre les deux syllabes (Godfrey et al., 1981; Manis et al., 1997; Reed, 1989; Werker and Tees, 1987). D’autres études montrent que les dyslexiques sont déficitaires pour discriminer deux phonèmes différents, mais qu’ils sont plus performants pour discriminer deux variants acoustiques du même phonème (Godfrey et al., 1981). Les différences de perception catégorielle entre dyslexiques et normo-lecteurs pourraient fournir une explication de leur déficit de conscience phonologique et par conséquent de leurs difficultés en lecture. Des stimuli auditifs dont la structure normale des fréquences est remplacée par des tons purs (sinusoïdaux) (Remez et al., 1981) ont été utilisés dans une étude comparative entre enfants dyslexiques et témoins. Cette étude comportementale montre que les dyslexiques ne se différencient pas des témoins en contexte non linguistique, alors que des différences significatives apparaissent pour les mêmes stimuli en contexte de parole. Ces différences indiquent que les dyslexiques sont moins catégoriels que les témoins, non pas dans le sens où ils ne discriminent pas aussi bien les sons inter-catégoriels que les témoins, mais au contraire en ce qu’ils perçoivent presque autant les différences intra-catégorielles qu’inter-catégorielles (Serniclaes et al., 2001).

Bien que la majorité des sujets dyslexiques souffrent de troubles phonémiques (Ramus et al., 2003), la théorie purement phonologique de la dyslexie ne peut rendre compte des déficits visuels, sensoriels et moteurs dont souffrent un grand nombre de patients (Demonet et al., 2004). Ainsi, les troubles de lecture des pseudo-mots et de conscience phonologique pourraient résulter d’un déficit de traitement phonologique, et les troubles de lecture des mots irréguliers sans troubles phonologiques devraient être expliqués par un déficit cognitif différent, non phonologique (Valdois et al., 2004).