Déficit de traitement visuel

Certains travaux ont démontré la fréquence, dans des populations de dyslexiques, de troubles de la vision binoculaire, d’une irrégularité des mouvements de poursuite et de ‘scanning’ visuel d’une cible en mouvement, d’une anomalie des saccades oculaires et des fixations lors de la lecture. Mais ces anomalies pourraient tout aussi bien participer à la genèse du trouble dyslexique qu’en être la conséquence. En revanche, divers arguments ont suggéré l’importance potentielle d’un trouble de la perception visuelle à un bas niveau d’intégration, concernant spécifiquement la persistance visuelle et la sensibilité aux contrastes et aux scintillements. Certains dyslexiques font des erreurs typiques de ce trouble, qui sont des confusions de lettres symétriques (b/d) ou visuellement proches (m/n), ces erreurs ne pouvant à priori pas être attribuées à un problème de traitement phonologique (Valdois et al., 1995). Les dyslexiques nécessiteraient des fréquences spatiales 10 fois plus faibles pour percevoir les mêmes contrastes que les enfants non dyslexiques. Ce déficit dans la sensibilité aux contrastes pourrait affecter 75% des dyslexiques, spécialement ceux ayant un déficit phonologique associé (Cornelissen et al., 1998; Eden et al., 1996b; Lovegrove et al., 1990). Ces anomalies pourraient être liées au mauvais développement d’une partie des voies visuelles – système magnocellulaire – qui, de la rétine au cortex, transmet spécifiquement les informations visuelles rapides et peu contrastées 24 (Eden et al., 1996a; Livingstone et al., 1991). Cette théorie est loin de faire l’unanimité (Ramus et al., 2003), mais son intérêt reste tout de même qu’elle permettrait de rendre compte aussi des autres formes de dyslexies et de déficits (phonologique et/ou visuel), dans la mesure où le système magnocellulaire a été décrit dans les voies visuelles et auditives (Galaburda et al., 1994; Stein, 2001; Stein, 2003).

Outre un déficit de traitement des informations visuelles rapides, les dyslexiques semblent souffrir de problèmes visuo-attentionnels sévères (Valdois et al., 2004). Dans les tâches de détection automatique de lettres, les dyslexiques ne diffèrent pas des témoins en temps de recherche, alors qu’ils sont significativement plus longs en détection attentionnelle. Iles et al. (Iles et al., 2000) ont montré que les dyslexiques souffraient d’un déficit de l’attention visuelle, probablement dû à une atteinte du cortex pariétal (zone d’intégration principale des informations visuelles provenant du système magnocellulaire). Les troubles de lecture des dyslexiques pourraient être dus à une mauvaise inhibition des informations visuelles périphériques, ainsi qu’au fait que l’empan visuo-attentionnel est plus réduit chez les faibles lecteurs et ne s’adapte pas à la longueur du mot à traiter (Facoetti et al., 2000; Geiger et al., 1992). Ainsi, les dyslexiques présentent un trouble de l’attention perceptive dans des tâches de détection simple, auditive et visuelle (Facoetti et al., 2003), sans problèmes attentionnels généraux (Bednarek et al., 2004).

Notes
24.

Le système magnocellulaire transmet les informations visuelles rapides et peu contrastées, par opposition au système parvo-cellulaire qui transmet les informations visuelles plus précises, à fort contraste, de même que la vision des couleurs.