Déficit de traitement des informations rapides (théorie temporelle)

Une autre hypothèse, qui pourrait réconcilier les deux types de déficits visuel et phonologique, postule que les différents troubles dyslexiques proviennent d’un déficit unique dans le traitement des changements ou successions rapides d’information. Ce problème de traitement des informations rapides concernerait le langage oral, mais aussi les sons non langagiers, ou encore les stimuli visuels ou sensori-moteurs (Tallal et al., 1985). Bien que cette théorie concerne les modalités auditive et visuelle, la majorité des études – conduites principalement par l’équipe de Tallal – ont été réalisées en modalité auditive : un enfant indemne de troubles de l’apprentissage est capable de percevoir comme distincts deux sons séparés d’un intervalle de moins de 20 ms, alors qu’un groupe d’enfants dysphasiques 25 et dyslexiques ne peut les distinguer qu’à partir d’un intervalle de 200 à 400 ms. Or, ces enfants ont des difficultés à discriminer des syllabes qui ne diffèrent que par un trait phonétique (par exemple ‘da’/‘ba’) (Adlard and Hazan, 1998; Mody et al., 1997; Reed, 1989). Le signal acoustique de la parole est constitué de fréquences fondamentales et d’harmoniques (appelées formants) pour les voyelles, alors que les consonnes consistent essentiellement en de brèves transitions (quelques dizaines de ms) dans les caractéristiques de ces formants. Ainsi, Tallal présume qu’un trouble du traitement des caractéristiques temporelles des sons serait à l’origine du trouble de l’apprentissage des dyslexiques en raison d’un défaut subtil dans le traitement des sons du langage, lié à l’incapacité de ces enfants à discriminer les transitions entre consonnes et voyelles (Tallal, 1980; Tallal et al., 1996). L’incapacité des dyslexiques à traiter les informations acoustiques rapides semble résulter d’un déficit d’activation des aires préfrontales gauches (Temple et al., 2000).

Bien que l’on considère généralement que la forme prépondérante de la dyslexie est liée à un déficit phonologique, l’origine ontogénétique de ce déficit demeure controversée. Actuellement, deux explications sont proposées, l’une en lien avec des processus auditifs, et l’autre liée aux représentations en mémoire à long terme d’unités constitutives de la parole. Les tenants du modèle auditif nous semblent mettre l’accent sur des troubles de type "bottom-up", le problème central concernant le traitement des sons présentant des variations rapides, quelle qu’en soit l’origine (Tallal, 1980). C’est la perception de la parole qui est en cause pour les tenants du modèle phonétique (Mody et al., 1997; Schulte-Korne et al., 1998; Serniclaes et al., 2001). Selon cette dernière théorie, la dyslexie seraient associée à des troubles de type "top-down" des représentations linguistiques de la parole.

Notes
25.

la dysphasie est un trouble de l’apprentissage du langage oral.