D.5.f. Causes des troubles

Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer la dyslexie. Ces hypothèses sont d’ordre neurologique et génétique, deux théories qui ne semblent pas incompatibles.

Anomalies neurologiques

L’idée que la dyslexie pouvait avoir une origine neurologique a été avancée par Hinshelwood, qui proposait – sur la base des observations de sujets alexiques par Déjerine – que les difficultés de lecture et d’écriture chez ses jeunes patients dyslexiques pouvaient être dues à un développement anormal de la même région pariétale qui était endommagée chez les patients alexiques (Hinshelwood, 1917).

Après le premier cas étudié en 1968 (Drake, 1968), différentes études anatomiques post-mortem de cerveaux de dyslexiques ont révélé la présence d’ectopies corticales 26 (Geschwind, 1979) et de microgyri (Evrard et al., 1992), principalement dans les régions périsylviennes de l’hémisphère gauche (Galaburda et al., 1985), confirmant la thèse de l’origine neurologique des troubles dyslexiques et suggérant un développement cortical anormal.

Deux autres types de malformations ont aussi été référencées : l’existence de dysplasies focales organisées en grands neurones anarchiquement dispersés depuis la matière blanche sous-jacente jusqu’au cortex cérébral, et des anomalies sous-corticales siégeant sur les noyaux thalamiques.

Il semble que les patients dyslexiques souffrent aussi d’un trouble du transfert d’informations sensorielles et motrices entre les hémisphères, impliquant le corps calleux(Gross-Glenn and Rothenberg, 1984; Markee et al., 1996; Moore et al., 1995). Le corps calleux est la principale commissure interhémisphérique, la grande majorité des informations qui sont transmises d’un hémisphère à l’autre du cerveau le sont donc par l’intermédiaire de ses fibres. Le corps calleux aurait une taille significativement plus importante chez les dyslexiques que chez les normo-lecteurs (Robichon and Habib, 1998). Cette variation de taille du corps calleux des dyslexiques pourrait être due à un problème de concentration en testostérone (Moffat et al., 1997), mais pourrait aussi uniquement résulter d’une remédiation intensive, puisqu’il a aussi été montré qu’un entraînement intensif chez des musiciens pouvait affecter la morphologie calleuse (Schlaug et al., 1995).

Une autre théorie propose que les différents troubles dyslexiques et associés soient dus à une hypoactivation du cervelet (Nicolson et al., 2001), des anomalies du lobe antérieur de l’hémisphère droit du cervelet relié aux aires motrices frontales et à l’aire de Broca étant observées chez des sujets dyslexiques (Eckert et al., 2003). Cependant, des déficits cérébelleux ne sont pas observés systématiquement chez tous les patients dyslexiques.

La signification fonctionnelle de ces différences anatomiques entre sujets normo-lecteurs et dyslexiques n’a pas encore été élucidée, bien que de nombreuses études aient été réalisées sur des sujets humains et des modèles animaux (voir (Eckert, 2004; Habib, 2000; Ramus, 2004)).

Par ailleurs, une autre hypothèse neurologique a été proposée par Orton (Orton, 1925), fondateur de la théorie de la latéralisation atypique : la latéralisation des fonctions du langage dans l’hémisphère gauche (voir paragraphe E.2.a) serait défaillante chez les dyslexiques, de sorte que les pré-requis nécessaires à l’apprentissage de la lecture ne seraient pas présents. Plus tard, sur la base de la théorie de Bakker (Bakker et al., 1990), l’hypothèse a été avancée que chez les dyslexiques l’hémisphère droit participe de façon anormalement importante au langage, en raison d’un défaut de spécialisation des aires du langage à gauche. Les analyses post-mortem de cerveaux de dyslexiques confirment cette hypothèse : tous les cerveaux de dyslexiques étudiés par l’équipe de Boston (Galaburda et al., 1990; Galaburda et al., 1985) de même que celui de l’enfant dysphasique étudié par Cohen et al. (Cohen et al., 1989) montraient, en plus des ectopies, une absence de l’asymétrie gauche > droite usuelle du planum temporal. Bien qu’il y ait une tendance globale, dans la littérature, à confirmer les observations de Galaburda et al. grâce aux études in vivo menées en IRM, il existe des exceptions pour lesquelles les auteurs n’ont trouvé aucun problème de symétrie des lobes temporaux chez des dyslexiques (voir par exemple (Green et al., 1999)). Des problèmes de symétrie des lobes frontaux et pariétaux ont aussi été observés dans quelques études, mais ce type de travaux n’en est encore trop qu’à ses débuts pour pouvoir tirer des conclusions certaines. D’autre part, un pattern inversé de la taille du gyrus angulaire (Droit > Gauche) a été retrouvé à plusieurs reprises chez des enfants dyslexiques (Lubs et al., 1991; Plante et al., 1991).

Notes
26.

Malformations microscopiques du cerveau dues à un défaut de migration des cellules au cours de la maturation cérébrale de l’embryogenèse.