E. Langage et neurolinguistique

La neurolinguistique étudie les fondements biologiques de notre aptitude au langage. Cette discipline est née dans les années 30, faisant suite aux études aphasiologiques menées au XIXe siècle. Elle s’est efforcée d’ajouter aux observations cliniques de la neuropsycholinguistique les apports de la psycholinguistique (voir chapitre C) et de la linguistique cognitive, de manière à comprendre comment le langage fonctionne au niveau anatomique. L’une des questions majeures qu’elle se pose est de savoir si les diverses facultés dont nous avons besoin pour produire le langage sont le fait de structures cérébrales distinctes ou d’associations de structures. Dans ce domaine, les chercheurs utilisent principalement les méthodes d’imagerie cérébrale, dont l’avantage principal est d’observer l’activité du cerveau ‘in vivo’ et de manière relativement non invasive, chez des sujets psychologiquement et physiologiquement sains. Sur le plan épistémologique, l’imagerie cérébrale prend la suite de la neuropsycholinguistique appliquée aux aphasies, dans l’étude des relations cerveau/langage. Les tâches d’activation appliquées aux sujets sains – avec les outils d’enregistrement – remplacent les tests de langage chez les patients aphasiques, et les foyers d’activation ainsi observés remplacent les observations de lésions.

En particulier, l’imagerie fonctionnelle permet d’identifier des spécialisations fonctionnelles dans des régions cérébrales naturellement épargnées par les lésions, ou bien avec une activité fonctionnelle préservée à la suite d’un dommage, du fait de la réorganisation cognitive ou neuronale. Elle permet aussi d’identifier des sites fonctionnant anormalement en l’absence de tout dommage, ou encore des lésions étendues, qui ne touchent pas qu’une seule zone fonctionnelle. Ces techniques, contrairement aux études lésionnelles, ne sont pas limitées à la supposition que les procédures et opérations cognitives sont confinées à des modules anatomiques discrets (ségrégation fonctionnelle), et tiennent compte au contraire de la spécialisation fonctionnelle émergeant de l’interaction entre deux aires ou plus (intégration fonctionnelle). Notons ici la grande complémentarité des techniques, la neuroimagerie fonctionnelle permettant d’identifier l’ensemble des régions impliquées dans une tâche par rapport à une autre, et les modèles de déficits lésionnels permettant d’identifier lesquelles de ces régions (ou connexions) sont indispensables à une composante particulière de la tâche.

Après avoir décrit les principaux outils d’imagerie utilisés en neurolinguistique, nous passerons en revue les connaissances actuelles sur le sujet, en distinguant l’identification de mots en modalité auditive ou visuelle, dans des tâches actives ou passives.