Traitement orthographique

(A) L’activation se propage ensuite aux aires visuelles associatives – ou cortex visuel extra-strié – bilatéralement ou dans l’hémisphère gauche selon les études (Cornelissen et al., 2003; Howard et al., 1992; Petersen et al., 1988; Petersen et al., 1990; Tarkiainen et al., 1999). Cette activité serait spécifique au traitement des caractères linguistiques, comparativement à celui des objets, visages, etc.

En effet, le cortex visuel extrastrié est activé lors de tâches de reconnaissance de mots ou de pseudo-mots, mais pas lors de présentations de caractères non linguistiques ou de croix de fixation (Hagoort et al., 1999; Petersen et al., 1990; Price et al., 1994; Rumsey et al., 1997a). Cette activation étant observée pour les pseudo-mots autant que pour les mots, Indefrey et al. proposent qu’elle soit associée à la longueur et à la complexité visuelle des stimuli linguistiques, plus qu’à leur statut lexical (Indefrey et al., 1997). Outre la sensibilité de cette activation au nombre de lettres de la séquence (Indefrey et al., 1997; Tyler et al., 2004), elle est aussi dépendante de l’allure de présentation (Price et al., 1996a) et du temps d’apparition dans le champ visuel (Price and Friston, 1997b; Price et al., 1996a; Price et al., 1994).

Plus spécifiquement, les aires extra-striées de l’hémisphère droit contribueraient au traitement de la forme globale des stimuli, alors que les régions homologues de l’hémisphère gauche participeraient à un traitement plus localisé des stimuli linguistiques (Cornelissen et al., 2003).

(B) Aujourd’hui, le caractère uniquement ‘orthographique’ des activations du cortex extra-strié est remis en cause. De plus en plus d’auteurs révèlent une sensibilité aux effets lexicaux dès le stade d’activation du cortex extra-strié (Kronbichler et al., 2004) : dans une tâche de décision lexicale en IRMf, la comparaison entre les mots et les pseudo-mots légaux 30 révèlerait une activation plus soutenue des régions occipito-temporales bilatérales pour les mots (Fiebach et al., 2002). Les auteurs proposent que ces régions soient impliquées dans la reconnaissance pré-lexicale des formes visuelles des mots. Le réseau extra-strié, incluant le gyrus fusiforme, fournirait le code d’accès aux informations sémantique ou phonologique de plus haut niveau, représentées dans le gyrus temporal moyen postérieur gauche – également plus activé pour les mots que pour les pseudo-mots. Le cortex extra-strié bilatéral semble donc être impliqué dans le traitement pré-lexical des informations langagières. Cette hypothèse est soutenue par les résultats de Garrett et al. (Garrett et al., 2000) montrant, en TEP, que la capacité de sujets normo-lecteurs à distinguer des lettres et des non-lettres est corrélée avec l’activité dans l’aire BA 37 gauche ; et par ceux de Pernet et al. (Pernet et al., 2005) suggérant que l’aire BA 37 gauche soit impliquée dans l’accès des formes des lettres stockées en mémoire.

Notes
30.

Les pseudo-mots légaux sont des séquences de lettres prononçables et sans digraphes aberrants (‘SAJIN’ par exemple) alors que les pseudo-mots illégaux sont des séquences prononçables mais contenant au moins un digraphe aberrant (‘CTILU’ par exemple : le digraphe ‘CT’ n’existe, en première position, dans aucun mot de la langue française).