Traitements phonémique et phonologique

(A) La seule région significativement plus activée pour la répétition de mots entendus que pour la lecture est localisée dans le gyrus temporal supérieur gauche. Cette aire est aussi sensible à la dénomination de sons de l’environnement (Price et al., 2003), et à l’écoute de sons vocaux (rires, éternuements etc.) versus sons non-vocaux (cloches, claquements de doigts etc.) (Belin et al., 2000). L’activation de cette aire pourrait refléter le traitement acoustique requis dans le traitement des sons langagiers et environnementaux versus traitement des bruits.

Plus précisément, une partie du gyrus temporal supérieur gauche ainsi que le bord supérieur du sulcus temporal supérieur – gyrus de Heschl et planum temporal, premières aires de projection corticale des voix auditives ascendantes – semblent jouer un rôle majeur dans la représentation de l’information phonémique sublexicale. En effet, ces régions sont plus activées chez des sujets ayant une bonne perception catégorielle (sujets divisant aisément un continuum phonémique en deux catégories syllabiques discrètes) (Liebenthal et al., 2005a). D’après Binder et al. (Binder et al., 2000), cette région serait spécifique au traitement de la parole, sur des bases acoustiques et non pas linguistiques. Ils observent en effet une activation des sulci temporaux supérieurs plus importante à l’écoute de parole qu’à l’écoute de sons, de manière équivalente pour des mots, des pseudo-mots ou des mots inversés.

Les régions temporales plus ventrales – bord inférieur du sulcus temporal supérieur et gyrus temporal médian, qui sont des aires multimodales recevant des projections visuelles, somatosensorielles et auditives (Seltzer and Pandya, 1994)) – pourraient être liées à une analyse linguistique de haut niveau des phonèmes perçus (Binder et al., 2000; Mummery et al., 1999).

A l’inverse, une activation non spécifique aux syllabes dans des régions temporales dorsales révèle leur rôle dans l’analyse des traits acoustiques pré-phonémiques (Liebenthal et al., 2005b).

(B) L’analyse acoustique de stimuli linguistiques versus non linguistiques induit outre l’activation du gyrus temporal supérieur gauche, celle de l’aire de Broca (Demonet et al., 1992). Cette région est aussi activée dans des tâches de jugement de rimes en modalité auditive (Zatorre et al., 1992; Zatorre et al., 1996) ou visuelle (Paulesu et al., 1993), et dans des tâches de lecture de pseudo-mots et mots irréguliers versus mots réguliers (Herbster et al., 1997). L’activation de l’aire de Broca – considérée comme étant responsable de la production du langage – est interprétée dans ce type d’études comme reflétant l’accès à la représentation articulatoire des phonèmes, étape indispensable à la réalisation d’un décodage des sons du langage ((Mesulam, 1990); voir aussi (Demonet et al., 2005; Fiez and Petersen, 1998) pour revue).

Cette conception a été reprise par Paulesu et al. (Paulesu et al., 1993), suite à une étude réalisée en TEP sur la mémoire de travail verbale. Paulesu et al. proposaient alors que l’aire de Broca, les gyri temporaux supérieurs (incluant l’aire de Wernicke), les gyri supramarginaux et l’insula forment la boucle articulatoire (voir le modèle de Baddeley (Baddeley, 1986)). Plus précisément, l’aire de Broca serait impliquée dans la répétition subvocale, la région supramarginale gauche serait associée au stockage de l’information phonologique, et les gyri temporaux supérieurs seraient impliqués dans le traitement phonologique indépendant des processus mnésiques ((Paulesu et al., 1993); voir aussi (Fiez and Petersen, 1998; Gold and Buckner, 2002)).