E.5. Localisation des troubles dyslexiques

E.5.a. Troubles du langage

La première application de la TEP à l'étude de la dyslexie fut réalisée en 1991 par K. Gross-Glenn et ses collaborateurs (Gross-Glenn et al., 1991). Ils notèrent une activation plus importante des régions occipitales internes (gyrus lingual) chez les sujets dyslexiques par rapport à un groupe contrôle. Lors de tâches phonologiques (sur entrée auditive), les dyslexiques semblent activer de façon moindre par rapport aux témoins les régions temporale postérieure et pariétale inférieure gauches. Lors de traitements syntaxiques, il n'y a pas de différence nette par rapport aux témoins, hormis une tendance à la diminution du débit à la jonction temporo-pariétale gauche (Gross-Glenn et al., 1991; Rumsey et al., 1992; Rumsey et al., 1994). Paulesu et al. montrent ensuite, en 1996 , que dans les tâches de rimes et de mémorisation, les dyslexiques activent une zone bien plus étroite de cortex, restreinte à la partie antérieure des aires du langage (aire de Broca) pour la tâche de rimes, et à sa partie postérieure (cortex pariétal inférieur) pour la tâche de mémorisation. En outre, dans les deux cas les dyslexiques n'activent pas la région de cortex située entre ces deux zones, c'est à dire le cortex insulaire (Paulesu et al., 1996). Les auteurs interprétèrent alors la dyslexie comme une déconnection entre les zones antérieure et postérieure des aires du langage. Cette hypothèse de déconnection fut confirmée par une étude de Horwitz (Horwitz et al., 1998) montrant un déficit, chez les dyslexiques, de co-activation de certaines aires, le gyrus angulaire entre autre. De plus, le gyrus supra-marginal gauche (BA 40, siège de la mémoire phonologique) (Demonet et al., 1992; Demonet et al., 1994; Paulesu et al., 1993) semble avoir un fonctionnement déficitaire chez les dyslexiques. Ainsi, les études de reconnaissance de lettres et de mots en neuroimagerie sur des sujets dyslexiques ont révélé des déficits d’activation de la région temporo-pariétale gauche (Temple et al., 2003; Temple et al., 2001) et des régions occipito-temporales (Shaywitz et al., 2002), incluant le gyrus supramarginal, le gyrus angulaire, le gyrus temporal supérieur (aire de Wernicke) et le cortex strié, ces aires étant impliquées dans le traitement de l’information phonologique. Des études anatomiques confirment ces observations, grâce à des mesures du volume de matière grise (Brambati et al., 2004) et de la structure de la matière blanche (Klingberg et al., 2000). Shaywitz & Shaywitz proposent aujourd’hui que la "signature" de la dyslexie soit une désorganisation de deux systèmes cérébraux de l’hémisphère gauche postérieur – l’un pariéto-temporal et l’autre occipito-temporal – couplée à un engagement compensatoire du gyrus frontal inférieur et de la région occipito-temporale postérieure droite (Shaywitz and Shaywitz, 2005). De récentes études en IRMf ont montré que la sous-activation de ces aires pouvait être compensée après rééducation (Aylward et al., 2003; Shaywitz et al., 2004; Temple et al., 2003).