E.5.b. Troubles spécifiques de la lecture

Dans une étude de 1997, Rumsey et al. ont montré une réduction d’activation et une déactivation inhabituelle dans les aires temporale postérieure et pariétale inférieure gauches chez des sujets dyslexiques, dans un paradigme de lecture à voix haute de pseudo-mots et mots irréguliers (Rumsey et al., 1997b). D’autre part, la même équipe a montré que la seule région corrélée aux capacités de lecture était le gyrus angulaire – la corrélation étant positive chez les sujets contrôles, négative chez les sujets dyslexiques (Rumsey et al., 1999). Le gyrus angulaire semble donc être un site important, nécessaire à la lecture, et dysfonctionnant chez les dyslexiques.

Shaywitz et al. ont montré quant à eux, au cours de tâches langagières en modalité visuelle, une hypoactivation des aires postérieures du langage (BA 21/37/39/40) chez les dyslexiques, qu’ils interprètent comme un déficit dans le traitement phonologique (Shaywitz et al., 1998).

D’une manière générale, les déficits de lecture des dyslexiques semblent être associés à des dysfonctions des régions temporo-pariétales gauches, impliquées dans la conversion graphème-phonème (Aylward et al., 2003; Horwitz et al., 1998; Shaywitz et al., 1998; Temple et al., 2003).

Dans une tâche de lecture de mots et pseudo-mots réalisée en MEG, Salmelin et al. observaient un déficit d’activation de la région temporo-occipitale inférieure gauche 180 ms après présentation de mots, chez les sujets dyslexiques et chez aucun sujet contrôle (Salmelin et al., 1996). Ce déficit d’activation temporo-occipitale était interprété par les auteurs comme une incapacité à traiter la forme globale des mots à un niveau pré-lexical, ou à extraire l’information phonologique immédiate.

De manière générale, le cortex occipito-temporal inférieur gauche est significativement moins activé chez les sujets dyslexiques que chez les sujets normo-lecteurs, en lecture de mots (Brunswick et al., 1999; Salmelin et al., 1996) ou de pseudo-mots (Horwitz et al., 1998; Rumsey et al., 1997b). Paulesu et al. (Paulesu et al., 2001) ont démontré la robustesse de cet effet dans trois langues européennes différentes (français, italien, anglais), mais Siok et al. (Siok et al., 2004) ont montré des résultats différents pour la lecture d’idéogrammes chinois : les sujets dyslexiques chinois souffrent d’un défaut d’activation principalement dans le gyrus frontal médian gauche, ce qui suggère que le déficit dyslexique n’est pas universel mais plutôt culturel (voir (Siok et al., 2004)). Simos et al. (Simos et al., 2002) ont observé une augmentation d’activation dans le cortex occipito-temporal inférieur gauche – ainsi que dans d’autres régions de l’hémisphère gauche – chez des enfants dyslexiques suivant un programme de rééducation.

La dyslexie pourrait correspondre aussi à un déficit ou un retard d'activation dans le "Visual Word Form System", pouvant être compensé par des voies alternatives de traitement, situées dans le cortex associatif postérieur droit (Cohen et al., 2000; Cohen et al., 2002; Nobre et al., 1994; Salmelin et al., 1996; Warrington and Shallice, 1980). Ces observations sur la dyslexie renforcent l’idée d’un rôle majeur du cortex extra-strié gauche dans la lecture (voir (Eden and Zeffiro, 1998) pour une revue), bien que son rôle précis dans les processus de lecture soit encore activement débattu ((McCandliss et al., 2003; Price and Devlin, 2003); voir paragraphe E.2. sur le ‘Traitement lexical’).

Dans leur étude de 1998, Shaywitz et al. (Shaywitz et al., 1998) ont observé, outre l’hypoactivation des aires postérieures du langage, une hyperactivation de l’aire de Broca, reflétant probablement un effort accru nécessaire aux dyslexiques dans la réalisation d’une analyse phonologique.

Dans leur étude en MEG, Salmelin et al. (Salmelin et al., 1996) observaient, outre l’hypoactivation de la région temporo-occipitale inférieure gauche, une hyperactivation de l’aire frontale inférieure gauche 400 ms après l’onset, chez les sujets dyslexiques. Cette activation anormale de l’aire de Broca pourrait résulter de stratégies articulatoires compensatoires (Brunswick et al., 1999).

Ce phénomène d’hyperactivation de l’aire frontale inférieure gauche n’est pas généralisable puisqu’une diminution de l’activité de cette aire est observée dans certaines études sur la dyslexie (voir (Demonet et al., 2004)).