E.7. Dyslexie et déficits temporels d’activations (études en EEG et en MEG)

Utilisant la réponse évoquée auditive spécifique qu’est la MMN (‘MisMatch Negativity’), différentes équipes ont montré l’existence de déficits auditifs chez certains enfants ayant des difficultés d’apprentissage de la lecture (Kraus et al., 1996) (voir pour une revue (Leppanen and Lyytinen, 1997)). Les enfants ayant des difficultés de lecture réalisent moins bien les tâches de discrimination de parole que les enfants normo-lecteurs, ce déficit étant corrélé avec une diminution de la MMN. Ces résultats suggèrent que les enfants dyslexiques souffriraient de déficits des voies auditives, en amont de la perception consciente (la MMN étant corrélée au traitement auditif de bas niveau), mais uniquement pour le traitement du langage (voir (Bradlow et al., 1999; Schulte-Korne et al., 1998)).

Par ailleurs, l’asymétrie des ondes M100 et M260 (évènements enregistrés en MEG, typiques du traitement phonologique) est réduite chez les sujets dyslexiques par rapport aux sujets normo-lecteurs (Heim et al., 2003; Paul et al., 2005). Cette perte d’asymétrie des activations pourrait résulter du défaut d’asymétrie du planum temporal (voir paragraphe D.5.f), observé chez de nombreux patients dyslexiques (Paul et al., 2005) (voir (Heim and Keil, 2004) pour une revue).

Nous avons vu précédemment que l’analyse des traits visuels d’une séquence de lettres ou de tout autre symbole induit une activité dans le cortex extra-strié 100 ms après présentation du stimulus. Cette phase de traitement semble ne pas être déficitaire chez les sujets dyslexiques (Helenius et al., 1999b; Salmelin et al., 2000).

La première phase d’activation spécifique au traitement des lettres, reflétée par une activité occipito-temporale 150 à 200 ms après présentation du stimulus, diffère significativement entre les sujets dyslexiques et témoins dans de nombreuses études (onde N100 ou M100 retardée et réduite en amplitude chez les sujets dyslexiques) (Helenius et al., 1999b; Salmelin et al., 2000; Salmelin et al., 1996; Tarkiainen et al., 1999). Il semble que ce déficit de traitement soit spécifique aux séquences de lettres, puisque les ondes observées chez les sujets dyslexiques, 150 ms après présentation de visages ou de formes géométriques, ne diffèrent pas de celles des sujets contrôles (Tarkiainen et al., 2003).

Stelmack et al. (Stelmack et al., 1988) ont observé une composante P200 (traitement précoce des mots) plus ample chez les dyslexiques par rapport aux témoins, dans une tâche de lecture silencieuse. Taylor & Keenan (Taylor and Keenan, 1990) ont montré quant à eux que des sujets dyslexiques présentent un allongement des latences de N2 dans une tâche de décision lexicale, confirmant les observations précédentes de Ciesielski (Ciesielski, 1989).

D’une manière générale, les dyslexiques semblent être déficitaires dans les différentes phases de traitement des séquences linguistiques, à partir du stade de traitement spécifique des lettres (Helenius et al., 1999a; Salmelin et al., 2000). Chez ces patients, les ondes caractéristiques des traitements de lettres ou de mots sont moins amples et retardées par rapport aux sujets normo-lecteurs (Helenius et al., 1999a; Salmelin et al., 2000; Salmelin et al., 1996).

Différentes études ont rapporté que la P300 est réduite ou retardée chez des sujets dyslexiques (Holcomb et al., 1986; Lovrich and Stamm, 1983; Taylor and Keenan, 1990) et chez des enfants souffrant de déficits attentionnels (Holcomb et al., 1985). Duncan et al. (94) ont observé des anomalies de la P300 chez des adultes ayant souffert de dyslexie, mais uniquement chez ceux ayant souffert aussi de troubles attentionnels (syndrome d'hyperactivité ; ADHD) (Duncan et al., 1994). Ainsi, puisque des déficits attentionnels sont fréquemment observés chez les dyslexiques, il est difficile de prédire si les anomalies de P300 sont dues à la dyslexie en temps que telle, ou à ses troubles attentionnels associés (Taylor, 1995).

Des anomalies de la N400 ont été observées dans de nombreuses études sur la dyslexie, mais avec des résultats et donc des interprétations très différents : Stelmack et Miles (Stelmack and Miles, 1990) ont observé une N400 réduite chez les sujets dyslexiques, interprétant cette observation comme un déficit de mémoire sémantique à long terme. A l’inverse, Neville et al. (Neville et al., 1993) ou Robichon et al. (Robichon et al., 1994) ont observé une N400 plus ample chez des enfants ayant des déficits de langage ou chez des adultes dyslexiques. Ainsi, deux hypothèses sont valables au vue de ces résultats : l’intégration sémantique pourrait être déficiente ou plus coûteuse chez les dyslexiques par rapport aux normo-lecteurs, ou bien les dyslexiques pourraient utiliser, quand ils lisent, des stratégies sémantiques différentes de celles des normo-lecteurs.

Enfin, les Potentiels Evoqués ont permis aussi de mettre en évidence un certain nombre de variations électrophysiologiques chez des sujets dyslexiques par rapport à des normo-lecteurs, pour ce qui est de l’analyse syntaxique (Breznitz and Leikin, 2000).