A.2. Traitement des mots : effets "Top-down"

Il est couramment admis aujourd’hui que les différents modèles de reconnaissance de mots, d’objets ou autres ne doivent pas être uniquement sériels, mais tenir compte de nombreux effets interactifs (Bullier, 2001; Humphreys et al., 1997) : (1) le traitement à un niveau supérieur peut débuter avant que celui au premier niveau d’analyse ne soit complété. (2) Des retours d’informations se font des derniers aux premiers niveaux de traitement tout au long de l’analyse (3) et des effets indépendants du stimulus influencent les différentes phases de son traitement (effets "Top-down"). Deux grandes classes d’effets "top-down" peuvent être mis en évidence lors de l’identification de mots en modalité visuelle : les effets "top-down" lexicaux et attentionnels.

La démonstration la plus évidente de l’existence d’effets "Top-down" lexicaux au cours du traitement d’une séquence de lettres est connue sous le nom d’"Effet de Supériorité du Mot" ou "Word Superiority Effect" (WSE) : une lettre est plus facilement reconnue si elle est contenue dans un mot plutôt que dans un non-mot (McClelland, 1979; McClelland and Rumelhart, 1981; Proverbio et al., 2004; Reicher, 1969) (pour plus de détails, voir l’introduction du chapitre 4).

Ce phénomène nous révèle que la connaissance antérieure d’un mot facilite la reconnaissance de ses lettres. Le WSE a été testé dans différentes études comportementales, révélant toujours le même effet de facilitation dans la précision et le temps de réponse des sujets (Grainger et al., 2003; McClelland, 1976).

S’il est admis aujourd’hui que la mémoire d’un mot influence l’identification ultérieure d’une de ses lettres, aucune expérience n’a jamais défini, à notre connaissance, à quel stade de traitement cet effet facilitateur prenait place.

Les effets Top-down attentionnels ont été fréquemment décrits grâce à deux paradigmes expérimentaux usuels :

(1) un sujet traite différemment un stimulus lorsqu’il réalise une tâche active (test de dénomination, de génération…) plutôt que lorsqu’il le voit passivement (Shulman et al., 1997a). Ce type de tâches met en évidence les effets de soutien d’attention : par exemple, les traitements visuels de mots lus peuvent augmenter lorsque les sujets doivent lire les mots à haute voix plutôt que silencieusement, même si les "inputs" visuels sont les mêmes (Price et al., 1997a; Shulman et al., 1997b).

(2) Par ailleurs, lorsque deux types de stimuli sont présentés simultanément à un sujet, les traitements seront influencés selon que le sujet porte son attention sur une catégorie de stimuli, l’autre ou les deux en même temps. Ce test d’attention sélective révèle par exemple que la focalisation de l’attention d’un sujet sur deux tâches simultanément entraîne une diminution des performances comportementales pour une tâche ou pour les deux (Meyer and Kieras, 1997; Navon and Miller, 2002) (pour plus de détails, voir l’introduction du chapitre 5).

Ces deux types d’effets attentionnels ont donc été testés en psychologie expérimentale, en imagerie et en électrophysiologie. Mais aucune étude, à notre connaissance, n’a testé les deux effets à l’aide d’un même paradigme, afin de connaître les incidences respectives de chaque effet attentionnel et leurs interactions. Il parait donc intéressant de définir les phases de traitement d’un mot influencées par le soutien d’attention, l’attention sélective et l’interaction des deux effets.

Nous ne détaillerons pas plus les différents processus "Top-down" lexicaux et attentionnels dans ce chapitre, puisqu’ils seront décrits dans les introductions des chapitres suivants traitant de nos résultats expérimentaux.