B. Genèse des potentiels électriques de surface

Lors de la propagation d’un potentiel d’action le long d’un axone, des ions Na+ entrent dans la cellule au niveau du site actif par des canaux Na+ voltage-dépendants. De part et d’autre de ce front de dépolarisation, un flux d’ions K+ ressort par des canaux ouverts au repos ou à ouverture retardée. Cette portion axonale active peut être assimilée à un quadripôle de courant (deux dipôles inversés) (cf. figure 3.1).

Figure 3.1 : Schéma de propagation du potentiel d’action
Figure 3.1 : Schéma de propagation du potentiel d’action
Dipôle de courant
Dipôle de courant

Un dipôle de courant est l’association d’une source et d’un puits de courant très proches l’un de l’autre, dans un milieu conducteur. Une source de courant est une petite région de l’espace d’où émerge un courant électrique, alors qu’un puits de courant est une région où disparaît le courant circulant dans un milieu. Le potentiel électrique à une distance donnée est maximal sur la ligne reliant la source et le puits, il est nul dans une direction orthogonale. Un dipôle est défini selon son "moment dipolaire" représenté sous forme d’un vecteur. L’origine de ce vecteur est un point entre le puits et la source, il est orienté du puits vers la source, et sa norme est proportionnelle à l’intensité du courant qui sort de la source et qui rentre dans le puits.

Le potentiel créé par un quadripôle de courant s’annule avec la distance. Les potentiels d’action n’ont donc qu’une contribution très limitée dans la genèse des potentiels de surface.

Les dipôles de courant dont l’activité est enregistrée en surface du scalp proviennent principalement des terminaisons synaptiques. L’arrivée d’un potentiel d’action au niveau d’une synapse provoque la libération de neurotransmetteurs qui ouvre des canaux ioniques. Si la synapse est excitatrice, des ions Na+ vont entrer dans la cellule et en faire un puits de courant. Le reste de la membrane du neurone post-synaptique va se comporter comme une source de courant (Martin, 1991). On obtiendra le schéma inverse dans le cas d’une synapse inhibitrice. La résultante des courants générés au niveau de chaque synapse d’un neurone peut être représentée par un dipôle unitaire (cf. figure 3.2). Si l’on observe les phénomènes résultant à l’échelle cellulaire, on voit que les différents types de cellules ne contribuent pas à part égale aux courants électriques globaux : dans le cas d’une cellule de type étoilée, où l’axe dendritique n’a pas d’orientation préférentielle, les différents dipôles induits à un instant t ont des directions très variables, et tendent donc à s’annuler. Ce type de cellules – inter-neurones du thalamus par exemple – ne crée quasiment pas de potentiel à distance. A l’inverse, au niveau d’un neurone allongé, les différents dipôles ont des orientations très similaires, et s’additionnent. Ces cellules – neurones pyramidaux du cortex par exemple – induisent des courants électriques à distance (Nunez, 1981; Pernier and Bertrand, 1997) (Figure 3.2).

Figure 3.2 : Description d’un neurone pyramidal et d’un neurone étoilé. Une synapse excitatrice est représentée : elle provoque un puits de courant dans la région post-synaptique, ce qui provoque dans les milieux intra et extra-cellulaires des courants se refermant sur le reste de la membrane, lequel se présente donc comme une source de courant. Ces mouvements ioniques peuvent être modélisés en première approximation par un dipôle de courant, représenté par une flèche rouge.
Figure 3.2 : Description d’un neurone pyramidal et d’un neurone étoilé. Une synapse excitatrice est représentée : elle provoque un puits de courant dans la région post-synaptique, ce qui provoque dans les milieux intra et extra-cellulaires des courants se refermant sur le reste de la membrane, lequel se présente donc comme une source de courant. Ces mouvements ioniques peuvent être modélisés en première approximation par un dipôle de courant, représenté par une flèche rouge.
Dipôle de courant équivalent à un groupe de cellules pyramidales du cortex
Dipôle de courant équivalent à un groupe de cellules pyramidales du cortex

Si l’on considère un volume du cerveau où sont situés des neurones actifs, l’activité électrique de ce volume peut être schématisée par un dipôle de courant équivalent. Ce dipôle est la résultante de tous les dipôles décrits à l’échelle cellulaire. Plus les dipôles unitaires ont une orientation parallèle, avec puits et sources éloignés, plus le dipôle équivalent induit des courants électriques importants à distance. C’est le cas du cortex cérébral, où les cellules pyramidales – organisées en colonnes – ont leurs dendrites apicales orientées parallèlement entre elles et perpendiculairement à la surface du cortex.

Les courants électriques produits par les dipôles équivalents, lors d’une activation des neurones pyramidaux du cortex, vont se propager à distance, en passant trois barrières naturelles : le liquide céphalo-rachidien, la boîte crânienne et la peau. Le passage du courant dans ces tissus résistifs induit des différences de potentiels (selon la loi d’Ohm, U = R.I) Ce sont ces différences de potentiel qui seront enregistrées au niveau du scalp.