A.2. Le "Word Superiority Effect"

Le phénomène comportemental mettant le plus clairement en évidence les effets “top-down” lexicaux est le “Word Superiority Effect” (WSE). Les premières observations de ce phénomène particulier datent de 1886 (Cattell, 1886). Cattell observait à l’époque qu’un sujet normo-lecteur est capable de rapporter plus de lettres comprises dans un mot présenté brièvement que dans un non-mot 34 . Dans la seconde moitié du XXe siècle, Reicher (Reicher, 1969) et Wheeler (Wheeler, 1970) réutilisèrent le paradigme de Cattell avec certaines améliorations méthodologiques 35 et obtinrent un effet inattendu : une lettre est mieux reconnue lorsqu’elle est contenue dans un mot que lorsqu’elle est présentée isolément. Depuis, de nombreuses études psychophysiques ont reproduit cet effet de supériorité du mot, que le contrôle soit une lettre isolée, un pseudo-mot ou un non-mot (Grainger et al., 2003; McClelland, 1976; Proverbio et al., 2004).

Aujourd’hui, le terme WSE fait référence à deux phénomènes différents, observés lors de présentations tachistoscopiques de mots ou de lettres suivies d’un masque (paradigme de Reicher-Wheeler) :

(1) Il est plus facile d’identifier une lettre présentée dans un mot plutôt que dans un pseudo-mot ou un non-mot (Adams, 1979; Fine, 2001; Juola et al., 1974; Manelis, 1974; McClelland and Johnston, 1977; Prinzmetal, 1992; Spoehr and Smith, 1975). Hildebrandt et al. (Hildebrandt et al., 1995) définissent ce phénomène comme le " lexicality effect ".

(2) Les sujets normo-lecteurs identifient mieux une lettre lorsqu’elle est comprise dans un mot que lorsqu’elle est présentée isolément (Reicher, 1969; Wheeler, 1970). Hildebrandt et al. (Hildebrandt et al., 1995) parlent alors de " word-letter effect ".

Notes
34.

Un non-mot est une chaîne de caractères linguistiques imprononçable (‘SDHPT’ par exemple) alors qu’un pseudo-mot est une chaîne de caractères prononçable mais sans signification dans la langue étudiée (‘MACLE’ par exemple).

35.

Dans le paradigme expérimental de Reicher-Wheeler, (1) la reconnaissance de la lettre se fait par choix forcé entre deux lettres proposées, pour éviter toute influence de la mémoire de travail dans la tâche. (2) De plus, chaque lettre alternative proposée est susceptible de former un mot (par exemple, lorsque le sujet doit identifier le "T" de "TABLE", les deux lettres qui lui sont proposées sont "T" et "C", la lettre "C" pouvant former le mot "CABLE"). Ainsi, la reconnaissance de la lettre ne peut se faire par déduction après identification incomplète du mot.