E.1.b. Effet de l’attention sélective sur l’onde P300

L’amplitude de la P300 est connue pour refléter la quantité de ressources attentionnelles allouées au traitement d’un stimulus (Kramer and Strayer, 1988; Wickens et al., 1983), alors que sa latence reflèterait le temps requis pour la catégorisation du stimulus (Kutas et al., 1977; McCarthy and Donchin, 1981; Polich, 1986).

La latence de la P300 ne varie en fonction de l’attention sélective dans aucune des trois analyses. Ainsi, l’attention sélective portée sur une catégorie cible particulière ne modifie en rien le temps de catégorisation des différents items d’une paire. La pré-activation du lexique mental – pour la catégorie cible ‘Mot’ – ne permet pas de catégoriser plus vite les items que l’absence de pré-activation du lexique. On peut supposer que (1) la tâche est trop complexe pour que les effets facilitateurs soient significatifs ; (2) l’attention sélective n’induit pas d’effet facilitateur – par l’intermédiaire de la pré-activation du lexique mental – sur le temps de catégorisation ; (3) les temps de catégorisation enregistrés sont déjà trop rapides pour pouvoir être améliorés par des effets attentionnels facilitateurs.

L’onde P300 est moins ample pour la catégorie cible ‘Pseudo-mot’, lors du traitement du premier item d’une paire. Cet effet n’est pas observé lors du traitement du second item d’une paire. L’interprétation de ce résultat est similaire à celle des effets observés sur le complexe P1/N1. Les conditions expérimentales sont plus favorables lors du traitement du second item d’une paire plutôt que du premier, ce qui entraîne : (1) un effet facilitateur de l’attention sélective portée aux mots, au stade de traitement des lettres ; (2) une charge attentionnelle nécessaire à la catégorisation des stimuli équivalente avec ou sans attention sélective.

Ces observations sont concordantes avec le postulat de Luck & Hillyard (Luck and Hillyard, 1999) : dans les conditions complexes de réalisation de la tâche – après présentation du premier item – l’attention sélective influence la charge attentionnelle allouée à la tâche. Dans des conditions expérimentales ‘facilitées’, les ‘distracteurs’ ne gênent plus la réalisation du traitement, la charge attentionnelle ne sera alors plus modulée par l’attention sélective.

Nous pouvons noter par ailleurs que l’onde P300 après présentation du second item d’une paire est maximale pendant que la réponse est donnée par le sujet (et non pas avant la réponse, comme après présentation du premier item). Il est possible que cette onde ne soit pas fonctionnellement assimilable à l’onde P300 observée après le premier item d’une paire.

A l’inverse, il est possible que les deux ondes P300 reflètent bien le même phénomène, qui soit à ce moment-là indépendant de la prise de décision et de la réponse. L’onde P300 pourrait alors refléter la mise à jour de l’information en mémoire de travail (voir (Croft et al., 2003)).

Une recherche de localisation de source ainsi qu’une étude de la corrélation entre les temps de réaction et les amplitudes de P300 permettraient de définir si les deux ondes P300 observées après premier ou second item d’une paire reflètent ou non la même activité fonctionnelle.

Dans un contexte expérimental ‘complexe’, l’attention sélective allouée à une catégorie cible modifie la charge attentionnelle nécessaire à la catégorisation des stimuli.

Si le contexte de la tâche devient plus favorable – i.e. avec amorçage du traitement lexical en mémoire de travail –, l’attention sélective n’a plus d’influence sur la charge attentionnelle. Par contre, si cette attention sélective est portée sur la catégorie des mots (et qu’il y a donc pré-activation du lexique mental), elle a un effet "Top-down" facilitateur au niveau du stade de traitement des lettres des séquences présentées.

Quelle que soit la complexité de la tâche, l’attention sélective n’influe pas sur le traitement des traits visuels des mots et des pseudo-mots.