F. Conclusion

Cette étude nous permet de compléter les connaissances que nous avons sur les facteurs influençant les différents stades de traitement des mots :

L’onde P1 reflète une phase de traitement parfaitement automatisée, indépendante – dans le cas de cette étude – du soutien de l’attention du sujet, de l’attention sélective du sujet pour une catégorie cible et de la congruence de l’item traité avec cette catégorie cible. Partant de l’hypothèse que la P1 reflète le stade de traitement des traits visuels d’une séquence de lettres (Tarkiainen et al., 2002), ce traitement est indépendant de tout phénomène attentionnel.

La seule observation particulière faite sur cet évènement est qu’il est significativement plus ample dans l’hémisphère droit que dans l’hémisphère gauche, ce qui a déjà été observé par Kutas et al. (Kutas et al., 1988), et que nous avons observé aussi dans notre première étude en PE (voir chapitre 4).

L’onde N1 reflèterait la phase de traitement des lettres d’une séquence (Cornelissen et al., 2003; Pammer et al., 2004). Ce traitement est automatique, bien que modulé par le soutien de l’attention du sujet. Cette phase d’analyse peut aussi être modulée par l’attention sélective, mais uniquement lorsque la tâche est ‘facilitée’ (par amorçage du traitement lexical en mémoire de travail) et qu’un premier traitement lexical a eu lieu précédemment. Enfin, ce traitement n’est pas modulé par la congruence entre le stimulus et la cible.

Ainsi, bien que les activations des différentes phases de traitement se fassent de manière parallèle et distribuée, le traitement des lettres d’un item ne peut plus être influencé par effet "Top-down" attentionnel une fois que l’item est identifié et catégorisé.

Le temps de catégorisation (reflété par la latence de l’onde P300) est indépendant de l’attention sélective du sujet. Par contre, il est fortement dépendant de la congruence de l’item avec la catégorie cible, quelle que soit la difficulté de la tâche.

La "dépense attentionnelle" (reflétée par l’amplitude moyenne de l’onde P300) est indépendante de l’attention sélective portée à une catégorie et de la congruence de l’item avec cette catégorie, lorsque la tâche est ‘facilitée’. Si la tâche est plus complexe (sans amorçage du traitement lexical en mémoire de travail), la quantité de ressource attentionnelle allouée deviendra dépendante de ces deux facteurs : la P300 traduit alors une mobilisation attentionnelle maximale quand le sujet doit se placer dans une situation de maintien d’attention, avec les paires de mots pour cibles (avec un effet additif des deux facteurs).

La charge attentionnelle augmentée pour les cibles ‘Mots’ peut s’expliquer par une activation implicite de la mémoire lexicale (qui ne se fait pas lorsque les sujets sont attentifs aux pseudo-mots) qui nécessite des ressources attentionnelles importantes.

D’autre part, la charge attentionnelle augmentée lorsque le sujet doit maintenir son attention est un résultat attendu. Ce ‘rehaussement’ de la P300 est suivi pour les deux conditions ‘Hold’ (premier item congruent avec la cible) d’une dérive négative caractéristique du paradigme utilisé (Thierry et al., 1998). Cette dérive est plus importante en condition ‘Hold’ que ‘Release’, ainsi qu’en condition ‘cible Mot’ plutôt que ‘cible Pseudo-mot’. Ainsi, plus la charge attentionnelle (P300) était importante lors du traitement du premier item, plus la dérive négative observée ensuite sera importante. Cette dérive négative reflèterait la charge en mémoire de travail.

Enfin, la charge attentionnelle allouée au traitement d’un stimulus et le temps de catégorisation de ce stimulus sont très fortement dépendants du soutien de l’attention du sujet.

Nous pouvons résumer les principaux effets obtenus dans un schéma de synthèse, présenté figure 5.11.

Figure 5.11 : Schéma de synthèse des principaux facteurs observés dans l’étude des effets "Top-down" attentionnels.
Figure 5.11 : Schéma de synthèse des principaux facteurs observés dans l’étude des effets "Top-down" attentionnels.