Evènement N1 et effets "Top-down" lexicaux

Nous avons proposé, dans l’analyse précédente de cette étude, que la N1 reflète le stade de traitement des lettres d’une séquence de caractères linguistiques. D’après les résultats obtenus sur les sujets témoins, ce traitement est dépendant du contexte lexical (à 66 ms de TP). La présente étude révèle que ces effets de contexte lexical ne sont pas observés chez des sujets souffrant de dyslexie développementale. Cette nouvelle observation est congruente avec les résultats comportementaux : les sujets dyslexiques semblent souffrir d’un déficit d’effet "Top-down" lexical facilitateur au niveau du traitement des lettres d’une séquence.

Deux autres observations peuvent être faites sur l’évènement N1 :

(1) Outre le déficit d’effet "Top-down" lexical décrit précédemment, les sujets dyslexiques semblent souffrir d’un déficit général au niveau du stade de traitement des lettres, puisque la N1 est significativement moins ample, toutes conditions confondues, chez les sujets dyslexiques par rapport aux témoins (voir figure 6.3). De plus, même si la différence n’est pas significative, les latences de N1 sont plus élevées chez les sujets dyslexiques (moyenne de 210 ms) que chez les témoins (moyenne de 197 ms). Cette observation est à mettre en parallèle avec les données de Taylor & Keenan (Taylor and Keenan, 1990) ou de Ciesielski (Ciesielski, 1989), qui ont montré un allongement des latences de N1 chez des sujets dyslexiques comparés à des sujets témoins.

Par ailleurs, différents auteurs observent une absence ou une réduction d’activation temporo-occipitale chez les sujets dyslexiques dans des tâches de lecture de mots ou de pseudo-mots (Brunswick et al., 1999; Horwitz et al., 1998; Paulesu et al., 2001; Rumsey et al., 1997b; Salmelin et al., 1996). Salmelin et al. (Salmelin et al., 1996) interprètent ce déficit d’activation comme une incapacité à traiter la forme globale des mots à un niveau pré-lexical. Notre observation d’une diminution d’amplitude de la N1 chez les sujets dyslexiques est en parfait accord avec ces résultats, et renforce notre hypothèse selon laquelle la N1 refléterait le traitement pré-lexical des séquences de lettres.

(2) Bien que les sujets dyslexiques se différencient des témoins en terme de latence et d’amplitude de la N1, la dépendance de cette onde aux effets de TP est identique chez témoins et dyslexiques : la N1 est retardée et moins ample si le TP des stimuli augmente, pour les deux groupes de sujets.

Ainsi, le stade de traitement des lettres semble être déficitaire chez les sujets dyslexiques. On y observe un déficit d’effets "Top-down" lexicaux, alors que les influences de type "Bottom-up" (Temps de présentation des stimuli) sont identiques à celles des sujets témoins.