Transfert interhémisphérique

La première observation faite des résultats sur le transfert interhémisphérique est que, toutes positions et hémisphères confondus, les latences de P1 sont significativement plus élevées pour les dyslexiques que pour les témoins. Ceci confirme une tendance – bien que non significative – observée lors de l’étude des latences de P1 toutes positions de regard confondues (voir les résultats du paragraphe B.3.b, discutés au paragraphe B.3.c). Mise à part cette différence générale de latence, les mêmes effets de position et d’interaction position/hémisphère sont observés chez les sujets dyslexiques et chez les sujets témoins (voir figure 6.7). Les sujets dyslexiques semblent donc avoir un IHTT identique à celui des sujets témoins.

En étudiant plus précisément le temps de transfert interhémisphérique, on observe que celui-ci est similaire d’un groupe de sujets à l’autre, ce qui est congruent avec les résultats de la littérature (Davidson et al., 1990). Par contre, l’avantage du transfert de l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche observé chez les sujets témoins (tendance non significative) n’est pas retrouvé chez les sujets dyslexiques. Nous pouvons supposer que le transfert plus rapide des informations visuelles vers l’hémisphère gauche est un avantage sélectif à transférer les informations visuelles langagières vers l’hémisphère principalement en charge du traitement de ce type d’informations. Si tel est le cas, nous émettons l’hypothèse que les patients dyslexiques ne bénéficient pas de cet avantage.

Nous avons vu dans l’introduction générale (chapitre 1 ; paragraphe C.5.f) que les dyslexiques souffrent d’une latéralisation hémisphérique atypique (Orton, 1925) : chez les patients dyslexiques, l’hémisphère droit participerait de façon anormalement importante au langage, en raison d’un défaut de spécialisation des aires du langage à gauche (Bakker et al., 1990). Si l’on tient compte de cette théorie, le fait que le temps de transfert accéléré de l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche soit déficitaire chez les dyslexiques peut s’expliquer par le fait que le transfert rapide d’information linguistique visuelle vers l’hémisphère gauche n’est pas avantageux pour ces patients.