Différents stades de traitement des séquences de lettres.

La reconnaissance d’un mot isolé présenté en modalité visuelle se ferait en trois phases principales (voir le modèle IAM ; (McClelland and Rumelhart, 1981)) : (1) le traitement des traits visuels de la séquence de lettres aurait lieu dans les régions occipitales bilatérales, 90 à 100 ms après présentation de la séquence (Cohen et al., 2000; Proverbio et al., 2002a; Proverbio et al., 2004). (2) Le traitement des lettres composant le stimulus linguistique visuel se ferait en 140 à 210 ms après présentation, dans les régions pariéto-occipitales bilatérales (Bentin et al., 1999; Cornelissen et al., 2003; Nobre et al., 1994; Pammer et al., 2004; Proverbio et al., 2002a). (3) Le mot serait analysé en 240-300 ms après sa présentation, dans la région temporo-pariétale gauche (Cohen et al., 2000; Cohen et al., 2002; Pammer et al., 2004; Petersen et al., 1990; Proverbio et al., 2002a; Salmelin et al., 1996; Tarkiainen et al., 1999).

Ces trois phases de traitement interactives mèneraient à la catégorisation du stimulus – induisant une activation cérébrale dans la région pariéto-frontale centrale –, en un temps variable selon que les mots à identifier sont présentés alternativement avec des pseudo-mots ou des non-mots : la catégorisation de mots versus non-mots se ferait en 150-300 ms, la catégorisation de mots versus pseudo-mots en 400 à 600 ms.

Cette description ‘linéaire’ des évènements ne remet pas en question l’idée d’un traitement parallèle et distribué : au sein de ce réseau, une phase de traitement pourrait débuter avant l’achèvement de la phase précédente. Le transfert d’information pourrait se faire des couches de ‘bas niveau’ à celles de ‘haut niveau’, mais aussi en sens inverse.

Il n’en demeure pas moins qu’une certaine séquentialité est mise en évidence. Ceci peut s’expliquer par le fait que le traitement de traits visuels s’achève plus rapidement que le traitement de lettres. De la même façon, bien que les traitements puissent débuter simultanément, il est probable que le traitement des lettres d’une séquence soit réalisé plus rapidement que le traitement de la séquence elle-même, cette dernière analyse étant plus coûteuse, du fait de l’interaction mise en place avec le contenu du lexique mental par exemple. Il semble aussi évident que la catégorisation d’un stimulus linguistique ne puisse être achevée avant le traitement des lettres de ce stimulus.

Par ailleurs, nous proposons que cette séquentialité induise des limitations dans l’interaction entre les différentes phases de traitement. Ainsi, sans remettre en cause l’idée d’une influence des phases de traitement ‘haut niveau’ sur les phases de traitement ‘bas niveau’, cette interactivité doit être limitée : par exemple, nous avons observé dans l’étude des effets "Top-down" attentionnels que la catégorisation d’un stimulus n’influence pas les phases de traitement de ses traits visuels ou de ses lettres (voir au chapitre 5, pas d’effet significatif du facteur de congruence sur ces deux stades de traitement). Il est probable que le traitement des traits visuels et des lettres soit achevé au moment où la catégorisation de l’item est réalisée, aucun effet "Top-down" n’étant donc possible ni nécessaire.