Décours temporel des différents stades de traitement.

Les deux expériences en Potentiels Evoqués décrites dans ce mémoire nous ont permis de définir, pour chacune d’elles, la temporalité des différentes phases de traitement des séquences de lettres. Le premier constat que nous pouvons faire est que ce décours temporel est très variable selon les conditions expérimentales.

Le stade de traitement des traits visuels est réalisé en 90 à 100 ms dans nos deux études. Cette phase est la seule à peu fluctuer dans le temps, probablement du fait qu’elle est indépendante de la majorité des facteurs "Bottom-up" et "Top-down" (voir dans la suite de cette discussion). Les données de la littérature sont d’ailleurs très congruentes à ce sujet, l’onde P1 étant décrite dans la majorité des articles comme ayant un pic moyen à 100 ms environ après présentation du stimulus (Cohen et al., 2000; Halit et al., 2000; Itier and Taylor, 2002; Itier and Taylor, 2004; Proverbio et al., 2002b; Proverbio et al., 2004).

L’achèvement du stade de traitement des lettres d’une séquence est beaucoup plus aléatoire et dépendant de différents facteurs : dans notre étude sur les effets "Top-down" lexicaux (chapitre 4), l’onde N1 induite par des séquences de lettres présentées 50 ou 66 ms et masquées est maximale 180 à 210 ms après présentation des séquences (avec une forte dépendance au temps de présentation). Dans l’étude sur les effets "Top-down" attentionnels, les séquences de lettres présentées 100 ms et non masquées induisent une onde N1 environ 140 ms après stimulation. La comparaison de ces deux études met en avant l’importance de la prise en compte des conditions expérimentales dans l’analyse des résultats. Le temps de présentation des stimuli linguistiques et le fait qu’ils soient masqués ou non induisent des temps de traitement des lettres pouvant varier de 140 à 210 ms. Ceci explique le fait que les données de la littérature soient divergentes sur le décours temporel de la phase de traitement pré-lexical, allant en général de 140 à 200 ms selon les études (Bentin et al., 1999; Cornelissen et al., 2003; Nobre et al., 1994; Pammer et al., 2004; Proverbio et al., 2002a)

Le stade de traitement des séquences de lettres n’a pu être analysé que dans l’étude sur les effets "Top-down" lexicaux. Dans cette étude, nous avons émis l’hypothèse que le traitement lexical était réalisé par les sujets en 240 à 300 ms. Dans la littérature, la temporalité de cette activation est rapportée entre 180 et 250 ms selon les études (Cohen et al., 2000; Cohen et al., 2002; Pammer et al., 2004; Petersen et al., 1990; Proverbio et al., 2002a; Salmelin et al., 1996; Tarkiainen et al., 1999). La variabilité de l’achèvement de cette phase de traitement selon les conditions expérimentales est ainsi encore mise en évidence.

Pour finir, nous avons relevé dans nos deux expériences des temps de catégorisation de 150-300 ms dans la première, de 400-600 ms dans la seconde. Il est probable, une nouvelle fois, que les effets "Bottom-up" variables selon les conditions expérimentales entraînent de telles variations de décours temporel. Mais nous pouvons ajouter aussi l’influence de type lexical : dans l’étude des effets "Top-down" lexicaux, les stimuli présentés aux sujets étaient des mots ou des non-mots, alors que dans l’étude des effets "Top-down" attentionnels, les stimuli étaient des mots ou des pseudo-mots. Ainsi, la catégorisation de mots versus non-mots serait achevée en 150 à 300 ms, alors que la catégorisation de mots versus pseudo-mots nécessiterait 400 à 600 ms pour être achevée. Cette observation est congruente avec le fait que mots et non-mots sont plus facilement identifiables comme n’appartenant pas à la même catégorie linguistique que mots et pseudo-mots. Le temps de catégorisation est donc probablement fortement dépendant du facteur lexical, même si les influences "Bottom-up" telles que le temps de présentation ont aussi une incidence non négligeable.

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