1. La schizophrénie : un « cataclysme » cognitif ?

Les recherches sur la schizophrénie ont longtemps débattu de la nature des déficits cognitifs présents dans la maladie : reflètent-ils une altération générale de la cognition ou des déficits spécifiques de certains processus cognitifs identifiables ? Dans le début des années 1990, beaucoup de recherches en neuropsychologie ont essayé d’identifier et d’isoler des déficits spécifiques pouvant être reliés aux anormalités observées dans différentes régions du cerveau des schizophrènes. Des expériences ont montré des déficits dans des tâches impliquant des fonctions exécutives et l'activité des régions préfrontales (Goldberg, Weinberger, Berman, Pliskin, & Podd, 1987 ; Goldberg, Weinberger, Pliskin, Berman, & Podd, 1989), alors que d’autres mettaient l’accent sur des déficits mnésiques spécifiques et des dysfonctionnements dans la région temporo-hippocampique (McKenna et al., 1990 ; Saykin et al., 1991). D’autres études de la même période montrent, elles, un déficit cognitif général des fonctions motrices, sensorielles, mnésiques, mais échouent à faire la preuve de déficits spécifiques (Blanchard & Neale, 1994 ; Goldberg et al., 1990).

L'ampleur et la gravité des troubles cognitifs observés dans la schizophrénie entraînent une cascade de questions. Est-ce que l’expression d’un symptôme est le reflet d’un déficit cognitif et d’un seul ? N'existerait-il pas un déficit cognitif unique susceptible d'expliquer tous les symptômes ? Un déficit cognitif unique pourrait-il être à l'origine de tous les autres déficits cognitifs ? Est-ce que tous les symptômes sont explicables par le même déficit cognitif ? Sont-ils alors l’expression d’un déficit cognitif de bas niveau ou d'un déficit de plus haut niveau d'organisation ? Est-ce que les déficits cognitifs sont des déficits généraux ou, au contraire, des déficits spécifiques ? Un déficit cognitif est-il la conséquence d’une désorganisation cérébrale ? Toutes ces interrogations guident une partie de la recherche actuelle sur la schizophrénie. Nous ne répondrons pas à toutes ces questions, mais nous intéresserons aux troubles cognitifs d’une part, et au cerveau des schizophrènes d’autre part.