1.2. Le cerveau du schizophrène

Comme nous venons de le voir, la schizophrénie est associée à de nombreux déficits cognitifs (Goldberg & Gold, 1995). Certains auteurs ont proposé que la perturbation d'un processus cognitif fondamental pourrait causer le déficit d’autres fonctions de la cognition (Hemsley, 1994 ; Andreasen, 1999) ; mais cette question demeure controversée en raison de l'hétérogénéité des symptômes qui caractérisent la maladie. Une autre manière de procéder serait de localiser les structures cérébrales corrélées avec les dysfonctionnements cognitifs ou celles dont les activités sont modifiées lors de tâches mettant en jeu ces processus cognitifs. L’imagerie fonctionnelle constitue un des meilleurs outils pour l’étude des bases neuronales des symptômes schizophréniques (Andreasen, 1996, 1997a). Plusieurs études ont ainsi montré une activation frontale anormale lors de tâches testant les fonctions exécutives (Berman, Torrey, Daniel, & Weinberger, 1992). Dans le lobe temporal (Figure 1), des anomalies métaboliques ont également été montrées dans des tâches de mémoire (Gur et al, 1994 ; Heckers et al, 1998). De plus, une augmentation du débit sanguin dans le lobe temporal et dans les structures limbiques a été associée aux hallucinations auditives et aux expériences psychotiques vécues par les patients schizophrènes (Liddle et al., 1992 ; Silbersweig et al., 1995). Il apparaît donc que les anomalies cérébrales (métaboliques, fonctionnelles) ne sont pas restreintes à une seule région mais plutôt à un réseau de régions cérébrales (Andreasen, Paradiso, & O’Leary, 1998 ; Buchsbaum et al, 1992 ; Ragland et al., 1998, 2001).

Figure 1 : Régions cérébrales principales impliquées dans la schizophrénie.

La méta-analyse de Wright et al. (2000) réalisée sur 58 études d’imagerie cérébrale a montré une diminution du volume cérébral global des patients schizophrènes (2% de volume en moins par rapport au volume cérébral des sujets normaux) et une forte augmentation du volume total des ventricules (+26%) (Degreef et al, 1992 ; DeLisi et al, 1991 ; Gur et al, 1991 ; Young et al, 1991) qui serait corrélée aux symptômes positifs (DeLisi et al, 1991 ; Luchins, Lewine, & Meltzer, 1984 ; Weinberger et al, 1980). Pour d’autres, cette augmentation de volume serait à mettre en rapport avec des anomalies cognitives mais pas avec la chronicité de la maladie ou la sévérité des symptômes (Lewis, 1990). Elle ne semble d'ailleurs pas augmenter avec l’évolution des troubles (Vita et al, 1991) mais paraît liée à la symptomatologie initiale et non à la symptomatologie présente au cours ou en fin de maladie (Weinberger & Berman, 1988). Les anomalies cérébrales qui ont le plus focalisé l’attention dans le champ de la psychopathologie sont les anomalies du cortex préfrontal. Pourtant d’autres structures cérébrales ont également été décrites comme porteuses d’anomalies morphologiques et/ou fonctionnelles : le lobe temporal et les structures limbiques et les noyaux du thalamus.