1.2.1. Le lobe frontal

Des anomalies dans le cortex préfrontal sont observées dès la fin du 19ième siècle ; plus tard un hypométabolisme frontal a été mis en évidence (pour revue voir : Bachneff, 1991). C’est également l’une des premières anomalies mises en évidence en imagerie cérébrale, confirmées par des anomalies observées aux tests neuropsychologiques portant sur la structure de contrôle des fonctions complexes (spécifiques au cortex préfrontal). L’hypothèse d’un dysfonctionnement frontal dans la schizophrénie se fonde avant tout sur des arguments cliniques (Jaquet, Lançon, Auquier, Bougerol, & Scotto, 1997) et a été largement documentée (Addington, Addington, & Maticka-Tyndale, 1991 ; Basso, Nasrallah, Olson, & Bornstein, 1998 ; Frith, 1995 ; Hammer, Katsanis, & Iacono, 1995 ; Liddle & Morris, 1991 ; Poole, Ober, Shenaut, & Vinogradov, 1999 ; Scully, Coakley, Kinsella, & Waddington, 1997 ; Stolar, Berenbaum, Banich, & Barch, 1994). En effet, les patients schizophrènes, notamment ceux présentant une symptomatologie négative ou déficitaire, peuvent présenter des déficits cognitifs, motivationnels et affectifs similaires à ceux des patients atteints de lésions préfrontales. Ce trouble frontal est souvent mis en évidence lors d’épreuves comme le Wisconsin card sorting test (WCST), lequel requiert des habiletés d’alternance conceptuelle. Weinberger, Berman, & Zec (1986) ont montré que l’augmentation bilatérale du débit sanguin cérébral, normalement observé pendant le WCST chez les sujets normaux, est absente chez les patients schizophrènes. L’hypofrontalité est mise en évidence par une absence d’augmentation du débit sanguin dans le cortex préfrontal. Par ailleurs il a été montré que cette hypofrontalité n’était pas un artéfact dû à la durée d’évolution de la maladie ou aux traitements pharmacologiques (Buchsbaum et al, 1992).

Le nombre important de structures cérébrales qui sont en relation avec le cortex préfrontal, en entrée et en sortie, démontre son importance dans l’intégration des informations externes (stimulus, contexte) et internes (mémoire, représentation) et dans l’élaboration de stratégies (planification de l’action). Les structures cérébrales fonctionnant en réseaux hyper-connectés, des lésions isolées de structures interconnectées avec le cortex préfrontal (CPF) peuvent induire des déficits difficiles à différencier de ceux qui sont induits par une lésion purement frontale. En ce qui concerne la schizophrénie, pour laquelle il n'y a pas de lésions neurologiques avérées, l’interprétation en termes de localisation anatomique est souvent proposée, sans beaucoup de précautions, et en association aux déficits neuropsychologiques observés (par exemple déficit au WCST = dysfonction du CPF). Il convient d'être particulièrement prudent surtout s'il s'agit de les interpréter comme des traits primaires de cette pathologie.